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UNE PAGE D’AMOUR.

chaine de Juliette, l’adultère bourgeois, souriant et paisible. Si ces choses étaient vraies, Henri serait près d’elle, tous deux auraient déjà quitté cette maison.

— Vous prendrez bien une tasse de thé ?

Elle sourit, elle remercia madame Deberle, qui lui avait gardé une place à la table. Des assiettes de pâtisseries et de sucreries couvraient la nappe, tandis qu’une grande brioche et deux gâteaux s’élevaient symétriquement sur des compotiers ; et, comme la place manquait, les tasses à thé se touchaient presque, séparées de deux en deux par d’étroites serviettes grises, à longues franges. Les dames seules étaient assises. Elles mangeaient du bout de leurs mains dégantées des petits fours et des fruits confits, se passant le pot à crème, versant elles-mêmes avec des gestes délicats. Pourtant, trois ou quatre s’étaient dévouées et servaient les hommes. Ceux-ci, debout le long des murs, buvaient, en prenant toutes sortes de précautions pour se garer des coups de coude involontaires. D’autres, restés dans les deux salons, attendaient que les gâteaux vinssent à eux. C’était l’heure où Pauline triomphait. On causait plus fort, des rires et des bruits cristallins d’argenterie sonnaient, l’odeur de musc se chauffait encore des parfums pénétrants du thé.

— Passez-moi donc la brioche, dit mademoiselle Aurélie, qui se trouvait justement auprès d’Hélène. Toutes ces sucreries ne sont pas sérieuses.

Elle avait déjà vidé deux assiettes. Puis, la bouche pleine :

— Voilà le monde qui se retire… On va être à son aise.

Des dames s’en allaient en effet, après avoir serré la main de madame Deberle. Beaucoup d’hommes