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LES ROUGON-MACQUART.

café, resta là, absorbée, les yeux sur la flamme. En se levant, elle venait de se dire que son devoir lui commandait de parler à Juliette, de la faire renoncer au rendez-vous de l’après-midi. Comment ? elle l’ignorait ; mais la nécessité de sa démarche l’avait tout d’un coup frappée, et il n’y avait plus, dans sa tête, que la pensée de cette tentative, qui s’imposait et l’obsédait. Dix heures sonnèrent, elle s’habilla. Jeanne la regardait. Lorsqu’elle la vit prendre son chapeau, elle serra ses petites mains, comme si elle avait eu froid, tandis qu’une ombre de souffrance descendait sur son visage. D’habitude, elle se montrait très-jalouse des sorties de sa mère, ne voulant pas la quitter, exigeant d’aller partout avec elle.

— Rosalie, dit Hélène, dépêchez-vous de finir la chambre… Ne sortez pas. Je reviens à l’instant.

Et elle se pencha, embrassa rapidement Jeanne, sans remarquer son chagrin. Dès qu’elle fut partie, l’enfant, qui avait mis sa dignité à ne pas se plaindre, eut un sanglot.

— Oh ! que c’est laid, mademoiselle ! répétait la bonne en manière de consolation. Pardi ! on ne vous la volera pas, votre maman. Il faut bien lui laisser faire ses affaires… Vous ne pouvez pas être toujours pendue à ses jupes.

Cependant, Hélène avait tourné le coin de la rue Vineuse, filant le long des murs, pour se protéger contre une averse. Ce fut Pierre qui lui ouvrit ; mais il parut embarrassé.

— Madame Deberle est chez elle ?

— Oui, madame ; seulement, je ne sais pas…

Et comme Hélène, en intime, se dirigeait vers le salon, il se permit de l’arrêter.

— Attendez, madame, je vais voir.