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LES ROUGON-MACQUART.

du petit salon. Elle écoutait. Un silence s’était fait autour d’elle, un grand silence, chaud et enfermé, que troublait seul le pétillement des bûches réduites en braise. Ses oreilles sonnaient, elle n’entendait rien. Mais, au bout d’un temps qui lui parut interminable, il y eut un brusque roulement de voiture. C’était le fiacre de Juliette qui partait. Alors, elle soupira, elle eut toute seule un geste muet de remerciement. La pensée qu’elle n’aurait pas l’éternel remords d’avoir bassement agi la noyait d’un sentiment plein de douceur et de vague reconnaissance. Elle était soulagée, très-attendrie, mais tout d’un coup si faible, après la crise atroce dont elle sortait, qu’elle ne se sentait plus la force de s’éloigner à son tour. Au fond, elle songeait qu’Henri allait venir et qu’il devait trouver quelqu’un là. On frappa, elle rouvrit tout de suite.

Ce fut d’abord une grande surprise. Henri entrait, préoccupé de cette lettre sans signature qu’il avait reçue, le visage blêmi d’inquiétude. Mais, quand il l’aperçut, un cri lui échappa.

— Vous !… Mon Dieu ! c’était vous !

Et il y avait, dans ce cri, encore plus de stupeur que de joie. Il ne comptait guère sur ce rendez-vous donné avec tant de hardiesse. Puis, tous ses désirs d’homme furent éveillés par une offre si imprévue, dans le mystère voluptueux de cette retraite.

— Vous m’aimez, vous m’aimez, balbutia-t-il. Enfin, vous voilà, et moi qui n’avais pas compris !

Il ouvrit les bras, il voulait la prendre. Hélène lui avait souri à son entrée. Maintenant, elle reculait, toute pâle. Sans doute, elle l’attendait, elle s’était dit qu’ils causeraient ensemble un instant, qu’elle inventerait une histoire. Et, brusquement, la situation