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LES ROUGON-MACQUART.

— Jeanne ! Jeanne ! appela-t-elle.

Aucune voix ne répondait. Elle se heurta contre un fauteuil. La porte de la salle à manger, qu’elle avait laissée entre-bâillée, éclairait un coin du tapis. Elle eut un frisson, on aurait dit que la pluie tombait dans la pièce, avec ses souffles humides et son ruissellement continu. Alors, en se tournant, elle aperçut le carré pâle que la fenêtre taillait dans le gris du ciel.

— Qui donc a ouvert cette fenêtre ! cria-t-elle. Jeanne ! Jeanne !

Toujours pas de réponse. Une inquiétude mortelle la serrait au cœur. Elle voulut voir à cette fenêtre ; mais, en tâtant, elle sentit une chevelure, Jeanne était là. Et, comme Rosalie arrivait avec une lampe, l’enfant apparut, toute blanche, dormant la joue sur ses bras croisés, tandis que l’éclaboussement des gouttes tombant du toit la mouillait. Elle ne soufflait plus, abattue de désespoir et de fatigue. Ses grandes paupières bleuâtres retenaient dans leurs cils deux grosses larmes.

— Malheureuse enfant ! balbutiait Hélène, s’il est permis !… Mon Dieu, elle est toute froide !… S’endormir là, et par un pareil temps, lorsqu’on lui avait défendu de toucher à la fenêtre !… Jeanne, Jeanne, réponds-moi, réveille-toi !

Rosalie s’était prudemment esquivée. La petite, que sa mère avait enlevée entre ses bras, laissait aller sa tête, comme ne pouvant secouer le sommeil de plomb qui s’était emparé d’elle. Pourtant, elle ouvrit enfin les paupières ; et elle restait engourdie, hébétée, les yeux blessés par la lampe.

— Jeanne, c’est moi… Qu’as-tu ? Regarde, je viens de rentrer.