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UNE PAGE D’AMOUR.

sur son épaule la faisait rougir. Alors, elle posa Jeanne à terre. Toutes deux furent soulagées.

— Maintenant, sois raisonnable, essuie tes yeux, reprit Hélène. Nous arrangerons tout ça.

L’enfant obéit, se montra très-douce, un peu craintive, avec des regards en dessous. Mais, brusquement, une quinte de toux la secoua.

— Mon Dieu ! te voilà malade, maintenant. Je ne puis vraiment m’absenter une seconde… Tu as eu froid ?

— Oui, maman, dans le dos.

— Tiens ! mets ce châle. Le poêle de la salle à manger est allumé. Tu vas avoir chaud… Est-ce que tu as faim ?

Jeanne hésita. Elle allait dire la vérité, répondre non ; mais elle eut un nouveau regard oblique, et se recula, en disant à mi-voix :

— Oui, maman.

— Allons, ce ne sera rien, déclara Hélène, qui avait besoin de se rassurer. Mais, je t’en prie, méchante enfant, ne me fais plus de ces peurs.

Comme Rosalie revenait annoncer que madame était servie, elle la gronda vivement. La petite bonne baissait la tête, en murmurant que c’était bien vrai, qu’elle aurait dû veiller sur mademoiselle. Puis, pour calmer madame, elle l’aida à se déshabiller. Bon Dieu ! madame était dans un joli état ! Jeanne suivait les vêtements qui tombaient un à un, comme si elle les eût interrogés, en s’attendant à voir glisser de ces linges trempés de boue les choses qu’on lui cachait. Le cordon d’un jupon surtout ne voulait pas céder ; Rosalie dut travailler un instant pour en défaire le nœud ; et l’enfant se rapprocha, attirée, partageant l’impatience de la bonne, se fâchant contre ce nœud,