Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/359

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III


Au sortir de table, le docteur parla à sa femme d’une dame en couches, auprès de laquelle il serait sans doute forcé de passer la nuit. Il partit à neuf heures, descendit au bord de l’eau, se promena le long des quais déserts, dans la nuit noire ; un petit vent humide soufflait, la Seine grossie roulait des flots d’encre. Lorsque onze heures sonnèrent, il remonta les pentes du Trocadéro et vint rôder autour de la maison, dont la grande masse carrée paraissait un épaississement des ténèbres. Mais les vitres de la salle à manger luisaient encore. Il fit le tour, la fenêtre de la cuisine jetait aussi une clarté vive. Alors, il attendit, étonné, peu à peu inquiet. Des ombres passaient sur les rideaux, une agitation semblait emplir l’appartement. Peut-être M. Rambaud était-il resté à dîner ? Jamais pourtant le digne homme ne s’oubliait au-delà de dix heures. Et il n’osait monter, que dirait-il, si c’était Rosalie qui lui ouvrait ? Enfin, vers minuit, fou d’impatience, négligeant toutes les précautions, il sonna, il passa sans répondre devant la