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UNE PAGE D’AMOUR.

ce jardin était joli avec ses grandes herbes ; comme on aurait fait de belles parties de cache-cache, derrière toutes ces pierres ! Les petits pieds dansaient déjà, les robes blanches battaient, pareilles à des ailes. Dans le silence des tombes, la pluie tiède et lente du soleil épanouissait cette enfance. Lucien avait fini par fourrer la main sous le voile de Marguerite ; il touchait ses cheveux, il voulait savoir si elle ne mettait rien dessus, pour qu’ils fussent si jaunes. La petite se rengorgeait. Puis, il lui dit qu’ils se marieraient ensemble. Marguerite voulait bien, mais elle avait peur qu’il ne lui tirât les cheveux. Il les touchait encore, il les trouvait doux comme du papier à lettres.

— N’allez pas si loin, cria Pauline.

— Eh bien ! nous partons, dit madame Deberle. Nous ne faisons rien là, les enfants doivent avoir faim…

Il fallut réunir les petites filles qui s’étaient débandées comme un pensionnat en récréation. On les compta, la petite Guiraud manquait ; enfin, on l’aperçut très-loin, dans une allée, se promenant gravement avec l’ombrelle de sa mère. Alors, les dames se dirigèrent vers la porte, en poussant devant elles le flot des robes blanches. Madame Berthier félicitait Pauline sur son mariage, qui devait avoir lieu le mois suivant. Madame Deberle disait qu’elle partait dans trois jours pour Naples, avec son mari et Lucien. Le monde s’écoulait, Zéphyrin et Rosalie restèrent les derniers. À leur tour, ils s’éloignèrent. Ils se prirent le bras, ravis de cette promenade, malgré leur gros chagrin ; ils ralentissaient le pas, et leur dos d’amoureux, un moment encore, dansa dans la lumière, au bout de l’avenue.

— Venez, murmura M. Rambaud.