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UNE PAGE D’AMOUR.

conversation, sans s’apercevoir qu’ils étaient enfermés. Le docteur pressait Hélène de descendre parfois passer l’après-midi dans son jardin, rue Vineuse.

— Ma femme, dit-il, doit vous rendre votre visite, et elle vous renouvellera mon invitation… Cela ferait beaucoup de bien à votre fille.

— Mais je ne refuse pas, je ne demande pas qu’on vienne me chercher en grande cérémonie, dit-elle en riant. Seulement, j’ai peur d’être indiscrète… Enfin, nous verrons.

Ils causèrent encore. Puis, le docteur s’étonna.

— Où diable est-elle allée ? Il y a un quart d’heure qu’elle est sortie pour ce pot-au-feu.

Hélène vit alors que la porte était fermée. Cela ne la blessa pas tout de suite. Elle parlait de madame Deberle, dont elle faisait un vif éloge à son mari. Mais, comme le docteur tournait continuellement la tête du côté de la porte, elle finit par se sentir gênée.

— C’est bien singulier qu’elle ne revienne pas, murmura-t-elle à son tour.

Leur conversation tomba. Hélène, ne sachant que faire, ouvrit la lucarne ; et quand elle se retourna, ils évitèrent de se regarder. Des rires d’enfant entraient par la lucarne, qui taillait une lune bleue, très-haut, dans le ciel. Ils étaient bien seuls, cachés à tous les regards, n’ayant que cette trouée ronde qui les voyait. Les enfants se turent, au loin ; un silence frissonnant régna. Personne ne serait venu les chercher dans ce grenier perdu. Leur embarras grandissait. Hélène alors, mécontente d’elle, regarda fixement le docteur.

— Je suis accablé de visites, dit-il aussitôt. Puisqu’elle ne reparaît pas, je me sauve.

Et il s’en alla. Hélène s’était assise. La mère