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LES ROUGON-MACQUART.

— Oui, oui, répondit la jeune fille, sur le boulevard, en face de chez Bignon.

Alors, madame Deberle, triomphante, devant le sourire embarrassé de Malignon, cria :

— Tu peux revenir, Pauline. C’est fini.

Malignon avait une loge pour le lendemain, aux Folies-Dramatiques. Il l’offrit galamment, sans paraître tenir rancune à madame Deberle ; d’ailleurs, ils se querellaient toujours. Pauline voulut savoir si elle pouvait aller voir la pièce qu’on jouait ; et comme Malignon riait, en branlant la tête, elle dit que c’était bien stupide, que les auteurs auraient dû écrire des pièces pour les jeunes filles. On ne lui permettait que la Dame blanche et le théâtre classique.

Cependant, ces dames ne surveillaient plus les enfants. Tout d’un coup, Lucien poussa des cris terribles.

— Que lui as-tu fait, Jeanne ? demanda Hélène.

— Je ne lui ai rien fait, maman, répondit la petite fille. C’est lui qui s’est jeté par terre.

La vérité était que les enfants venaient de partir pour les fameux glaciers. Comme Jeanne prétendait qu’on arrivait sur les montagnes, ils levaient tous les deux les pieds très-haut, afin d’enjamber les rochers. Mais Lucien, essoufflé par cet exercice, avait fait un faux pas et s’était étalé au beau milieu d’une plate-bande. Une fois par terre, très-vexé, pris d’une rage de marmot, il avait éclaté en larmes.

— Relève-le, cria de nouveau Hélène.

— Il ne veut pas, maman. Il se roule.

Et Jeanne se reculait, comme blessée et irritée de voir le petit garçon si mal élevé. Il ne savait pas jouer, il allait certainement la salir. Elle avait une moue de duchesse qui se compromet. Alors, madame Deberle, que les cris de Lucien impatientaient, pria sa sœur