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LES ROUGON-MACQUART.

garni de dentelle, frottait un pied sur le parquet, saluait, balbutiait précipitamment :

— Pardon… excuse…

Et il ne trouvait rien autre chose, il reculait jusqu’au mur, en traînant toujours les pieds. Ne pouvant aller plus loin, voyant que la dame attendait avec un sourire involontaire, il fouilla vivement dans sa poche droite, dont il tira un mouchoir bleu, un couteau et un morceau de pain. Il regardait chaque objet, l’engouffrait de nouveau. Puis, il passa à la poche gauche ; il y avait là un bout de corde, deux clous rouillés, des images enveloppées dans la moitié d’un journal. Il renfonça le tout, il tapa sur ses cuisses d’un air anxieux. Et il bégayait, ahuri :

— Pardon… excuse…

Mais, brusquement, il posa un doigt contre son nez, en éclatant d’un bon rire. L’imbécile ! il se souvenait. Il ôta deux boutons de sa capote, fouilla dans sa poitrine, où il enfonça le bras jusqu’au coude. Enfin, il sortit une lettre, qu’il secoua violemment, comme pour en enlever la poussière, avant de la remettre à Hélène.

— Une lettre pour moi, vous êtes sûr ? dit celle-ci.

L’enveloppe portait bien son nom et son adresse, d’une grosse écriture paysanne, avec des jambages qui se culbutaient comme des capucins de cartes. Et dès qu’elle fut parvenue à comprendre, arrêtée à chaque ligne par des tournures et une orthographe extraordinaires, elle eut un nouveau sourire. C’était une lettre de la tante de Rosalie, qui lui envoyait Zéphyrin Lacour, tombé au sort « malgré deux messes dites par monsieur le curé ». Alors, attendu que Zéphyrin était l’amoureux de Rosalie, elle priait