Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
87
UNE PAGE D’AMOUR.

— C’est toi ?

— Oui, c’est moi.

Et ils restaient nez à nez, avec leurs yeux pétillants et leur bouche pincée. Puis, Zéphyrin suivait Rosalie ; mais elle l’empêchait d’entrer avant qu’elle l’eût débarrassé de son shako et de son sabre. Elle ne voulait point de ça dans sa cuisine, elle cachait le sabre et le shako au fond d’un placard. Alors, elle asseyait son amoureux, près de la fenêtre, dans le coin ménagé là, et elle ne lui permettait plus de remuer.

— Tiens-toi tranquille… Tu me regarderas faire le dîner de madame, si tu veux.

Mais il ne venait presque jamais les mains vides. Ordinairement, il avait employé sa matinée à courir avec des camarades les bois de Meudon, traînant les pieds dans des flâneries sans fin, oisif et buvant le grand air, avec le regret vague du pays. Pour occuper ses doigts, il coupait des baguettes, les taillait, les enjolivait en marchant de toutes sortes d’arabesques ; et son pas se ralentissait encore, il s’arrêtait près des fossés, le shako sur la nuque, les yeux ne quittant plus son couteau qui fouillait le bois. Puis, comme il ne pouvait se décider à jeter ses baguettes, il les apportait l’après-midi à Rosalie, qui les lui enlevait des mains, en criant un peu, parce que cela salissait la cuisine. La vérité était qu’elle les collectionnait ; elle en avait, sous son lit, un paquet de toutes les longueurs et de tous les dessins.

Un jour, il arriva avec un nid plein d’œufs, qu’il avait placé dans le fond de son shako, sous son mouchoir. C’était très-bon, disait-il, les omelettes avec les œufs d’oiseau. Rosalie jeta cette horreur, mais elle garda le nid, qui alla rejoindre les baguettes. D’ailleurs, il avait toujours ses poches pleines à crever. Il