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LES ROUGON-MACQUART.

Paris, elle s’y déniaisait, bien qu’elle ne connût que trois rues, la rue de Passy, la rue Franklin et la rue Vineuse. Lui, au régiment, restait godiche. Elle assurait à madame qu’il « bêtissait » ; car au pays, bien sûr, il était plus malin. Ça résultait de l’uniforme, disait-elle ; tous les garçons qui tombaient soldats devenaient bêtes à crever. En effet, Zéphyrin, ahuri par son existence nouvelle, avait les yeux ronds et le dandinement d’une oie. Il gardait sa lourdeur de paysan sous ses épaulettes, la caserne ne lui enseignait point encore le beau langage ni les manières victorieuses du tourlourou parisien. Ah ! madame pouvait être tranquille ! ce n’était pas lui qui songeait à batifoler.

Aussi Rosalie se montrait-elle maternelle. Elle sermonnait Zéphyrin tout en mettant la broche, lui prodiguait de bons conseils sur les précipices qu’il devait éviter ; et il obéissait, en appuyant chaque conseil d’un vigoureux mouvement de tête. Tous les dimanches, il devait lui jurer qu’il était allé à la messe et qu’il avait dit religieusement ses prières matin et soir. Elle l’exhortait encore à la propreté, lui donnait un coup de brosse quand il partait, consolidait un bouton de sa tunique, le visitait de la tête aux pieds, regardant si rien ne clochait. Elle s’inquiétait aussi de sa santé et lui indiquait des recettes contre toutes sortes de maladies. Zéphyrin, pour reconnaître ses complaisances, lui offrait de remplir sa fontaine. Longtemps elle refusa, par crainte qu’il ne renversât de l’eau. Mais, un jour, il monta les deux seaux sans laisser tomber une goutte dans l’escalier, et, dès lors, ce fut lui qui, le dimanche, remplit la fontaine. Il lui rendait d’autres services, faisait toutes les grosses besognes, allait très-bien acheter du beurre