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LES ROUGON-MACQUART.

pendant que l’enfant voulait l’entraîner dans la chambre.

Et il s’écartait de la porte, embarrassé et peureux. Puis, comme l’abbé haussait la voix, il fut pris d’une telle faiblesse qu’il dut s’asseoir de nouveau devant la table desservie. Il avait tiré un journal de sa poche.

— Je vais te faire une petite voiture, dit-il.

Du coup, Jeanne ne parla plus d’aller dans la chambre. M. Rambaud l’émerveillait par son adresse à tirer d’une feuille de papier toutes sortes de joujoux. Il faisait des cocottes, des bateaux, des bonnets d’évêque, des charrettes, des cages. Mais, ce jour-là, ses doigts tremblaient en pliant le papier, et il n’arrivait pas à réussir les petits détails. Au moindre bruit qui sortait de la pièce voisine, il baissait la tête. Cependant, Jeanne, très-intéressée, s’était appuyée contre la table, à côté de lui.

— Après, tu feras une cocotte, dit-elle, pour l’atteler à la voiture.

Au fond de la chambre, l’abbé Jouve était resté debout, dans l’ombre claire dont l’abat-jour noyait la pièce. Hélène avait repris sa place habituelle, devant le guéridon ; et comme elle ne se gênait pas le mardi avec ses amis, elle travaillait, on ne voyait que ses mains pâles cousant un petit bonnet d’enfant, sous le rond de vive clarté.

— Jeanne ne vous donne plus aucune inquiétude ? demanda l’abbé.

Elle hocha la tête avant de répondre.

— Le docteur Deberle paraît tout à fait rassuré, dit-elle. Mais la pauvre chérie est encore bien nerveuse… Hier, je l’ai trouvée sans connaissance sur sa chaise.

— Elle manque d’exercice, reprit le prêtre. Vous