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Page:Emilio Salgari Le tigre de Montpracem 1925.djvu/9

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le tigre de montpracem

se voyaient encore des tronçons d’armes et des débris humains. Cette cabane était surmontée d’un grand drapeau rouge au milieu duquel était une tête de tigre.

Une chambre de cette habitation était éclairée, les parois en étaient couvertes de lourdes étoffes rouges, de velours, et de brocarts de grand prix mais chiffonnés, déchirés, tachés. Le sol disparaissait sous une couche épaisse de magnifiques tapis de Perse, éblouissants d’or, mais ces tapis, eux aussi, étaient déchirés et salis.

Au milieu se trouvait une table d’ébène, marquetée de nacre et ornée d’enjolivements d’argent, chargée de bouteilles et de verres du plus pur cristal. De grandes étagères, en assez mauvais état, se dressaient dans les angles ; elles étaient surchargées de vases débordant de bracelets d’or, de boucles d’oreilles, de bagues, de médaillons, de précieux ornements d’église tordus et écrasés, de perles provenant sans doute des fameuses pêcheries de Ceylan, d’émeraudes, de rubis et de diamants brillant comme autant de soleils sous les rayons d’une lampe dorée suspendue au plafond.

Un divan turc aux franges à moitié arrachées se trouvait dans un coin ; dans un autre, un harmonium d’ébène dont le clavier était en mauvais état et, tout autour, gisaient épars, dans un chaos inexprimable, des tapis roulés, des vêtements splendides des tableaux dus peut-être à des pinceaux célèbres, des lampes renversées, des bouteilles dont les unes étaient debout et les autres sens dessus dessous ; puis des carabines indiennes ornées d’arabesqués, des tromblons d’Espagne, des sabres, des cimeterres, des haches, des poignards, des pistolets.

Dans cette chambre si étrangement meublée, un homme était assis sur un fauteuil boîteux. Il était d’une haute stature, élancé, de musculature puissante ; ses traits étaient énergiques, mâles, fiers et d’une étrange beauté…

De longs cheveux lui tombaient sur les épaules ; son visage, légèrement bronzé, était encadré d’une barbe très noire.

Il avait le front large, ombré de deux extraordinaires sourcils d’une courbe hardie ; une bouche petite qui laissait voir des dents aiguës comme celles des fauves, brillantes comme des perles ; des yeux très noirs, d’un éclat fascinant, qui brûlait et faisait baisser n’importe quel autre regard.

Il était assis depuis quelque minutes, le regard fixé sur la lampe, les mains étreignant nerveusement un riche cimeterre attachée à une large ceinture de soie rouge, serrée autour d’une casaque bleue à franges d’or.

Un éclat de tonnerre formidable qui secoua la grande cabane jusque dans ses fondements l’arracha brusque-