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ton, au lit de mort, pour lui succéder à la tête de l’Académie, et les Athéniens ayant, vers le même temps, déclaré la guerre à Philippe, Aristote, qui n’avait pas cessé d’avoir des relations avec la Macédoine, qui même s’était déjà employé infructueusement auprès du roi pour les intérêts de la Grèce et d’Athènes, se détermina, par l’un ou l’autre de ces motifs, et plus probablement par le second, à quitter cette ville. Il se retira avec Xénocrate auprès d’Hermias, leur ami commun, esclave et eunuque bithynien, qui, après avoir suivi à Athènes les leçons de Platon et d’Aristote, avait succédé à son maitre Eubulus dans la petite souveraineté d’Atarne et d’Assos, sur la côte de Mysie. Mais, trois ans à peine écoulés, Hermias, victime de sa confiance, tomba dans un piège que lui tendit Mentor, frère de Memnon de Rhodes, général des troupes grecques à la solde du roi de Perse. Livré par ce traître au cruel Ochus, il périt misérablement. Aristote immortalisa la mémoire de son ami dans un hymne à la Vertu, qui est pour nous un curieux monument de son talent poétique, et qui fait concevoir une assez haute idée de l’homme dont les qualités morales purent lui inspirer d’aussi nobles vers. Il voulut, en outre, ériger à Delphes, en l’honneur d’Hermias, une statue, avec une inscription qui rappelait la trahison sacrilége de ses meurtriers. Il fit plus il épousa Pythias, sa sœur et sa fille adoptive, qu’il avait sauvée de leurs mains ; et, comme elle était digne de son frère, il lui consacra, soit pendant sa vie, soit après sa mort, un culte d’amour et de regrets, qui donna lieu de la part de ses ennemis, à des interprétations non moins absurdes que sa liaison avec Hermias.

Forcé de se dérober par la fuite à la tyrannie des Perses devenus maîtres d’Atarne, Aristote trouva un asile à Mytilène. On ne sait s’il y résidait encore, ou si plutôt il n’avait pas revu Athènes lorsque Philippe l’appela à sa cour, en 343 pour lui confier l’éducation d’Alexandre, son fils, âgé de treize ans. Depuis long-temps le roi de Macédoine connaissait le philosophe de Stagire, et il avait pu apprécier, par ses rapports avec


lui, cette supériorité de mérite qui le rendait capable de former son fils dans l’art de bien faire et de bien dire à la fois. Il faudrait même croire que Philippe avait eu de très bonne heure ses vues sur Aristote à cet égard, si l’on admettait l’authenticité de la fameuse lettre qu’il lui écrivit, dit-on, peu après la naissance d’Alexandre. Son attente ne fut pas trompée. Aristote s’emparant, avec l’ascendant qui lui était propre, de l’ame ardente du jeune prince, dont l’éducation avait été jusque là si mal dirigée, y développa les germes de ces hautes qualités qui firent de son élève le premier héros du monde ancien, comme il en fut lui-même peut-être le plus grand esprit. La rencontre de ces deux hommes, appelés à la domination universelle, l’un par la pensée, l’autre par les armes, tous deux au profit de la civilisation, est un événement aussi merveilleux que fécond dans l’histoire de l’humanité. Nul doute qu’Alexandre n’ait été redevable, en partie du moins, aux leçons d’Aristote, non-seulement des habitudes fortes et des lumières supérieures, des nobles passions et des sentimens généreux, mais encore des conceptions vastes et hardies qui jetèrent sur son caractère et sur ses actions tant d’éclat, qui donnèrent à ses plans tant de grandeur, à ses conquêtes un but politique si élevé. Il faut convenir aussi que jamais disciple ne mérita mieux d’avoir un tel maître. Cette éducation qui renfermait l’avenir du monde, fut l’ouvrage de cinq ou six années. Aristote profita de l’influence qu’elle lui valut auprès de Philippe pour obtenir que Stagire, sa ville natale, détruite par ce prince, fût rebâtie et ses habitans rétablis dans leurs foyers. Il y fit même construire, dans le lieu appelé Miéza, un gymnase qu’il décora du nom de Nymphœum, et où il établit sa résidence avec son royal élève. Lorsque celui-ci l’eut quitté pour apprendre le métier des armes, sous les auspices de son père, le philosophe y resta quelque temps encore avec un certain nombre d’adeptes qu’il avait donnés pour compagnons d’étude à Alexandre, tels que Callisthène, son parent, et Théophraste son disciple chéri.