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Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T2.djvu/157

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CRO CRO


différens peuples s’accordera, comme on s’accorde sur le beau idéal.

Un édifice peut se considérer extérieurement comme un composé de pleins & de vides, & sous ce rapport seul indépendant des besoins & des commodités de l’intérieur. Il y a des règles que la solidité prescrit ; il y en a d’autres que la convenance, que le bon accord des parties, que le plaisir attaché à une harmonieuse corrélation, saura rendre générales à tous les yeux qui se seront exercés dans la recherche de cette sorte de beauté.

Par exemple, la solidité prescrit de faire les trumeaux des croisées au moins égaux en largeur à l’ouverture de celles-ci. Dans les pays ou l’on ne donne aux trumeaux que la moitié ou le tiers de l’ouverture, on ne sauroit se dissimuler que le vide l’emportant sur le plein, la construction ne se trouve par trop affoiblie, & que ces maisons n’aient besoin de fréquentes restaurations. Dans d’autres pays, l’on donne aux trumeaux jufqu’à deux fois la largeur des croisées, & alors les maisons reçoivent un caractère de pesanteur & de sérieux qui les rend tristes à la vue. Pour le bon effet de l’architecture, il vaudroit mieux tomber encore dans ce dernier excès que dans le premier, car le plus grand vice de toute construction est le défaut de solidité, & l’apparence seule de ce défaut en est presqu’un aussi grand.

Le moyen terme de la proportion des croisées consiste à leur donner en hauteur le double de leur largeur. Cette règle est la plus genéralement suivie dans les meilleurs édifices de Rome & de Florence. Cependant cette proportion varie selon la nature des étages. Les croisées des rez-de-chaussée sont tenues plus basses d’un huitième, comme aussi l’on donne ce huitième de plus, & quelquefois deux, aux croisées des étages supérieurs.

En France, les architectes ont toujours tenu la proportion des croisées plus longue. Celles de la cour du vieux Louvre, les seules qu’on puisse mettre, par leur beauté, en parallèle avec les ouvrages de l’Italie, ont deux fois & demie leur largeur en hauteur. (Voyez fig. 83.)

L’usage des balcons à chaque fenêtre n’a pas peu contribué aussi depuis quelque temps à allonger les croisées. Il faut alors que la tablette d’appui n’aille que jusqu’à la hauteur du genou, au lieu que dans les croisées mieux proportionnées pour l’extérieur, l’appui peut venir jusqu’à mi-corps.

On ne sauroit nier que ortie ouverture ainC prolongée de la croisée, ne donne de la gaieté aux intérieurs des appartemens, & ne soit même d’un ajustement plus heureux pour la décoration, en établissant plus de symétrie entre les portes & les fenêtres. Philibert de Lorme est celui qui approche le plus dans ses règles des proportions usitées en France. Il veut que les pièces qui auront vingt pieds de largeur ayent des croisées larges de cinq pieds entre leur encadrement ; que celles des pièces de vingt-quatre à vingt-cinq pieds ayent cinq pieds & demi & qu’on en donne six aux croisées qui appartiennent à des pièces de vingt huit à trente pieds. Cette regle, fort bonne dans bien des occasions, est cependant difficile à mettre en pratique ; car la nécessité dans laquelle on se trouve de faire les croisées du dehors d’un bâtiment de la même grandeur dans les avant & dans les arrière-corps, se trouve contredite par celle qui veut qu’on tienne les différentes pièces de différente grandeur. Par exemple, des salles d’audience, de conseil, d’assemblée, devant être plus grandes & plus spacieuses que les chambres à coucher, les cabinets, &c. Il résultoit de l’opinion de Philibert de Lorme, que pour satisfaire à la grandeur des croisées, il faudroit extérieurement les faire de proportions inégales, selon la diversité du diamètre des pièces.

A l’égard de la hauteur des croisées, Philibert de Lorme veut qu’elles soient le plus élevées qu’il sera possible du côté du plafond, & conseille d’y pratiquer en dedans des arrière-voussures, lorsque la hauteur des planchers peut le permettre. Cette pratique est très-bonne à suivre, principalement lorsque les plafonds sont en calotte, & ornés de peintures ou de sculptures ; autrement le jour ne frappant sur eux que par reflet, leur richesse ne fait point d’effet.

De la distibution des croisées.

L’on doit observer de mettre toujours les croisées en nombre impair dans la décoration d’un bâtiment & principalement celles qui décorent les avant-corps d’une façade. Il convient qu’au milieu de ces avant-corps il se trouve un vide & non pas un trumeau. Malgré les exemples que l’on peut trouver dans quelques palais, d’une disposition contraire, le précepte qu’on vient d’énoncer doit passer pour une règle générale. Elle ne souffre d’exceptions que dans les maisons particulières, dont l’ensemble, subordonné à l’irrégularité des terrains, & à une multitude de besoins ou de convenances contre lesquelles on ne sauroit s’élever, repousse impérieusement les règles d’une exacte symétrie. Cette sevérité n’est pas si nécessaire non plus dans les arrière-corps, dans les ailes, ou même dans les pavillons de l’extrémité d’un bâtiment. Ceux, par exemple, du palais du Luxembourg, à Paris, du côté de la rue de Tournon, offrent un trumeau dans leur milieu en place d’un vide ; mais c’est qu’en ce cas l’on considère ces pavillions comme faisant partie d’un ensemble plus considérable, auquel la distribution générale des croisées doit se trouver assujettie. Il vaut cependant mieux alors régler la distribution de manière à ne faire usage dans ces pavillons que d’une seule ouverture.

La distribution des croisées ne s’envisage pas seulement sous le rapport de leur ordonnance horizontale dans un étage. Il y a entr’elles un autre rapport non moins important ; c’est celui qui doit