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besoin du climat, d’après les habitudes sociales, en vertu des matériaux, et eu égard soit aux mœurs, soit aux constitutions politiques ou religieuses, aura donné aux travaux cette direction, d’où résulte ce qu’on peut appeler le caractère ou la physionomie d’une architecture.

Il n’en sauroit être ainsi par rapport à la Perse. On doit avouer qu’on manque des élémens nécessaires, pour généraliser une semblable théorie à son égard. Réduits à la connoissance d’un seul reste échappé à la destruction d’un seul de ses monumens, nous, nous contenterons de faire connoître ce fragment curicux d’après les descriptions des voyageurs, et nous laisserons à chacun le soin d’en déduire les conséquences relatives à ce qui put former le style habituel de ce pays dans l’art de bâtir. Voyez Persepolis.

PERSEPOLIS. Corneille Bruyn avoit déjà publié quelques détails sur les ruines célèbres de cette ville, auxquelles on donne le nom de Tchel-Minar, ainsi que Nieburg nous l’apprend. Or, ce nom signifie les quarante minarets ou colonnes.

Ces colonnes, continue Corneille Bruyn, sont toutes cannelées de la même manière. Le fût des unes est de trois, et celui des autres est de quatre pièces, sans compter le chapiteau qui est de cinq morceaux et d’un ordre qui diffère de tous les ordres d’architecture connus. Il y a des écrivains qui prétendent que quelques-uns de ces chapiteaux sont formés de figures de chevaux ailés d’une grandeur extraordinaire, et qu’ils couronnent les deux colonnes qui sont auprès des deux portiques, à côté de l’escalier de la façade de l’édifice. Il y en a même un qui soutient l’avoir vu de ses propres yeux, sans marquer en quelle année ; il ne fait cependant aucune mention des chameaux qui sont sur d’autres colonnes. C’est pourtant une cose que je puis affirmer, puisqu’on en voit un à genoux sur une des neuf colonnes sans chapiteaux qui sont à côté les unes des aues. A la ve, ce chameau est fort endommagé ; mais on ne laisse pas de voir une partie de son corps et les pieds de devant, avec plusieurs ornemens semblables à ceux des animaux qui sont dans les premiers portiques. On n’en sauroit douter en examinant les morceaux qui sont tombés du haut des colonnes. Un de ces chapiteaux semble avoir été ébranlé par un tremblement de terre, et être sorti de sa place ; il ne laisse pas toutefois de tenir son équilibre, quoiqu’il penche un peu d’un côté.

Nous avons aussi pris soin de marquer sur deux ou trois de ces colonnes, qui ont conservé leur chapiteau, un morceau de pierre informe, qui représentoit aussi quelqu’animal, sans qu’on en puisse distinguer l’espèce.

L’écrivain dont on vient de parler, dit qu’il a trouvé seize colonnes qui, avec les deux de l’escalier de la façade, en font dix-huit ; c’est ce que je ne saurois comprendre, puisque j’y en ai trouvé dix-neuf. Au reste, je ne trouve aucune différence entre ces colonnes, si ce n’est que les unes ont des chapiteaux, et que les autres n’en ont pas. Quant à leur élévation, elles ont toutes 70 à 72 pieds, et 17 pieds 7 pouces de circonférence. Les bases en sont rondes et ont 24 pieds 8 pouces de tour et 4 pieds 3 pouces de haut, et la moulure de dessous a 1 pied 8 pouces d’épaisseur. Elles ont trois sortes d’ornement ; mais les corniches des portes et des fenêtres ne diffèrent aucunement entr’elles.

Corneille Bruyn ajoute que rien n’étoit si solide que l’architecture de ce palais. Il admire la grosseur des pierres qui forment l’escalier et les colonnes, et il ne peut pas comprendre comment on avoit pu lever si haut d’aussi lourdes masses : ou s’étonne encore, dit-il, de voir des chambres entières, dont le plancher, les murailles, le plafond, sont d’une seule pierre très-noire et très-dure, sans pourtant être taillées dans le roc.

Citons maintenant, sur les monumens de Persepolis, un voyageur plus moderne et plus instruit, le célèbre Nieburg, dont nous abrégerons les récits.

Cette ville (dit l’écrivain voyageur) détruite depuis deux mille ans, n’offriroit, comme Memphis, que des doutes sur le lieu de son existence, sans les ruines célèbres de Tchel-Minar, qu’on croit être les restes de l’ancien palais des maîtres de l’Asie, auquel Alexandre fit mettre le feu dans un instant d’ivresse et de débauche.

Ces ruines, dont le nom moderne signifie quarante colonnes, sont adossées à une montagne ; leur nom toutefois ne leur convient plus aujourd’hui, que le nombre de colonnes se trouve réduit à vingt selon quelques voyageurs, à vingt-cinq selon d’autres. Le terrain qui forme l’immense esplanade couverte de ces ruines a des inégalités considérables dans sa superficie horizontale (que Nieburg a indiquées dans son plan). Il paroît dès lors que ces constructions étant établies sur des plans d’une hauteur inégale, elles indiquent plutôt un palais qu’un temple.

Les murs qui forment cette esplanade sont encore debout, et paroissent faits pour braver éternellement les injures du temps et celles de la barbarie. Ces murs suivent les inégalités de la superficie du terrain, et leurs contours extérieurs offrent des saillies qui ressemblent assez aux corps avancés et aux parties rentrantes des fortifications. Tout le terrain a été visiblement taillé dans la montagne de marbre, d’où l’on a tiré les pierres qui ont servi à la construction de l’édifice ; par conséquent le pavé se trouvoit être un massif de marbre, et comme le dit Nieburg, l’imagination auroit peine à s’en figurer un plus beau et plus durable. On n’observe dans toute cette construction ni chaux ni ciment, mais en certains endroits on a remarqué les places de crampons,

Diction. d’Archit. Tome III
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