Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
131
PIP PIQ


d’ouvrages nouveaux, qu’il parvint à le retenir, et c’est à cette généreuse contrainte que Mantoue fut redevable de l’érection de sa cathédrale, qui ne fut toutefois terminée qu’après lui par Bertano son élève.

Une circonstance nouvelle vint bientôt réveiller chez Jules Romain le desir de se retrouver à Rome. En vain le bel établissement qu’il avoit à Mantoue, celui de sa famille, les honneurs dont il y jouissoit, la reconnoissance même, sembloient l’y devoir attacher pour la vie ; la mort de Sangallo, architecte de Saint-Pierre, ayant appelé tous les regards sur lui, il ne put résister à cet honorable appel : il se disposait à partir ; mais la Providence en avoit ordonné autrement. Une maladie fort courte l’enleva à l’âge de 54 ans.

Ainsi Jules Romain fut enlevé, on peut le dire, au milieu de sa carrière, et la chose seroit encore plus vraie, s’il fallait, sur la foi d’une date rapportée dans une courte Notice de sa vie, qui fait partie d’une petite description du palais du TE, imprimée à Mantoue en 1783, admettre qu’il mourut à 47 ans. L’autorité sur laquelle cette opinion se fonde, est, dit-on, que dans les archives de la Sanita, à Mantoue, on trouve sur le registre des morts du Ier. novembre 1546, cette note : Il sior Julio Romano di Pipi superior de le fabriche ducale, de febra infirmo giorni 15, morto d’anni 47.

On doit remarquer d’abord que cette note n’étant que ce que nous appellerions un extrait mortuaire, a beaucoup moins de valeur que n’en aurait ce que nous appelons l’extrait de baptême ou de naissance, ce que jamais l’acte mortuaire n’est tenu de rappeler, tant il arrive souvent qu’on n’a aucun moyen de le constater, à l’égard surtout du grand nombre d’hommes qui meurent hors de leur pays. Qui nous dira ensuite quel est le degré de fidélité à laquelle la note dont il s’agit étoit obligée, et si une simple méprise de la mémoire ou de la plume n’a pas pu changer un chiffre pour un autre.

Vasari dit positivement, dans la Vie de Jules Romain, qu’il mourut à 54 ans, et il est d’accord sur la date de sa mort, c’est-à-dire, sur l’an 1546. Or, Vasari connoissoit particulièrement Jules Romain et en nous racontant qu’il alla le visiter à Mantoue, il indique la date de cette visite comme postérieure à la mort du duc Frédéric, qui mourut en 1540, puisqu’il ne parle que du cardinal Gonzaga, et qu’à cette époque déjà Jules Romain avoit élevé la cathédrale de Mantoue, qui ne fut commencée qu’après le mort de Frédéric, c’est-à-dire, que Vasari vit Jules Romain deux ans avant qu’il mourût. Il n’est guère probable qu’il se soit trompé autant sur son âge.

Mais voici une dernière raison qui me paroît sans réplique. Si Jules Romain, comme l’a prétendu la note de la Sanita, ne vécut que 47 ans, et mourut en 1546, il sera né en 1599. Or, Raphaël mourut en 1520, et déjà, depuis longtemps, Jules Romain étoit parvenu à ce degré de talent qui, non-seulement lui avoit gagné toute la confiance de son maître, mais l’avoit rendu son principal collaborateur, au point qu’on distinguoit souvent à peine ce qui étoit du maître et ce qui étoit de l’élève, et cela fort long-temps avant 1520. Ainsi on connoît l’histoire de la copie du portrait de Léon X, par Raphaël, envoyée à Mantoue, et la surprise de Jules Romain, qui, ayant, comme il le dit lui-même à Vasari, travaillé à l’original, ne s’étoil point aperçn de l’échange fait de cet original contre la copie d’André del Sarto. On citeroit bien d’autres ouvrages de Raphaël, où Jules Romain fut associé, plusieurs années avant 1520. Comment peut-on supposer qu’un jeune homme de 15 à 16 ans seroit arrivé à un degré de capacité si éminent ?

Si, au contraire, on suppose, d’après l’âge où il mourut, que Jules Romain éloit né en 1491 ou 1492, il avoil 29 ans à la mort de Raphaël, et l’on trouvera fort naturel qu’il ait pu, depuis 20 ans jusqu’à 29, avoir acquis le talent dont il dut faire preuve pour avoir été ainsi adopté par son maître.

J’ajouterai que l’on trouve le portrait de Jules Romain, jeune vérité, mais avec un peu de barbe, faisant pendant avec celui de Marc-Antoine, dans le tableau d’Héliodore, dont on a la date. Jules Romain pouvoit alors avoir 22 ans.

PIQUER, v. act. On use de ce mot, dans la construction, pour désigner une opération qui consiste à donner aux pierres une apparence rustique, en piquant avec une pointe de fer leurs paremens. On le pratique ainsi dans les bâtisses en petites pierres ou moellons, et on appelle cette construction moellons piqués. S’il s’agit de pierres plus grandes et plus dures, dont on se sert dans les appareils en bossages, on ne taille au ciseau que les bords de la pierre ; on laisse le reste relevé en bosse plus moins saillante, et avec le marteau pointu, on donne à la partie saillante, en la piquant au hasard, l’air d’avoir été laissée brute.

En charpenterie, piquer, c’est marquer une pièce de bois avec le traceret, pour la tailler et la façonner.

PIQUETS, s. m. pl. On donne ce nom à de petits morceaux de bois pointus, qu’on enfonce en terre, pour tendre des cordeaux qui servent à marquer le plan d’un bâtiment, et la surface de terrain qu’il faudra fouiller pour y planter les fondations.

On se sert de piquets pour tracer les lignes et les contours des jardins qu’il s’agit de planter. C’est surtout dans l’exécution des plans du jardinage irrégulier que cette méthode est usuelle. On les multiplie à volonté, et en les rapprochant, on forme d’une manière très-sensible le trait des massifs ou des allées, et cette manière de le tra-

R 2