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Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/15

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petite capacité paroître avoir de la grandeur. Prenons pour point de comparaison les deux extrêmes, la basilique de Saint-Pierre, et la petite église de San Pietro in Vincoli.

Certes, tout le monde s’accorde à dire que la basilique vaticane est réellement plus vaste qu’elle ne le paroît au premier coup d’œil, tandis qu’en entrant dans Saint-Pierre-aux-liens ou éprouve un sentiment contraire et qui tient, sans aucun doute, à la bonne disposition de son ensemble et à la juste répartition de ses parties ; et quoique cette église soit l’une des moindres de Rome, quant à la superficie, il en est peu qui aient un aspect aussi majestueux et aussi grandiose.

Ne pourroit-on pas expliquer cette impression, en la rapprochant du principe que nous avons déjà émis, qu’il faut autant que possible embrasser un ensemble d’un seul coup d’œil, pour que l’esprit en conçoive une grande idée ? Les regards aiment moins à s’égarer qu’à glisser, pour ainsi dire, sans fatigue, en parcourant un long espace subdivisé par des objets tous réguliers et à une petite distance l’un de l’autre, C’est l’effet que produit la nef de Saint-Pierre-aux-liens, formée par deux rangs de colonnes sans ornemens étrangers, toutes semblables et dans une juste proportion, quant à leur espacement et à leur hauteur ; aussi découvre-t-on, dès l’abord et sans obstacle, tout l’intérieur de l’édifice.

Partagez cet espace seulement en trois ou quatre parties, ne vous sembleroit-il pas raccourci ? C’est ce qui arrive à la grande basilique de Saint-Pierre. L’énorme épaisseur des piliers qui supportent les voûtes, dissimule entièrement aux regards l’étendue des bas côtés, empêche même de juger de la grande largeur de l’église.

Supposons maintenant, qu’au lieu de quatre énormes massifs dont est flanquée la principale nef, on ait subdivisé le même espace au moyen de colonnes d’un module convenable et relatif à la hauteur de l’architrave ; certes cet espace auroit paru immense, sans cesser d’être en rapport avec les proportions de l’édifice. Cette disposition (en en supposant toutefois la possibilité) auroit eu de plus l’avantage de laisser pénétrer les regards dans le vaste enfoncement des bas côtés, et l’esprit auroit été surpris autant que charmé d’un spectacle unique au monde, et qui auroit surpassé tout ce que les Anciens avoient imaginé dans ce genre.

Depuis l’érection de l’église de Saint-Pierre, la plupart de celles qu’on a construites, sont faites sur le même modèle, c’est-à-dire, composées d’arcades fort massives, dont les pieds-droits, aussi lourds, servent d’arrière-corps a des pilastres. Il y auroit eu bien moins d’inconvénient à conserver du gothique, ou plutôt du style qui l’a précédé, ce qu’il avoit de bon : je veux parler de la légèreté des supports et du dégagement qui en résultoit. Que l’on compare les églises construites suivant le nouveau système, avec celles de Royaumont, de Long-Pont et de Sainte-Croix d’Orléans, et l’on sera forcé d’avouer qu’on ne peut entrer dans ces temples, tout gothiques qu’ils soient, sans être saisi d’admiration, par la beauté du coup d’œil qu’offre cette multitude de colonnes assises immédiatement sur le pavé, et si bien disposées en plan, qu’elles laissent voir sans embarras et d’un seul regard, toute la grandeur et toute la magnificence de ces édifices.

Des architectes modernes ont fait une application nouvelle de ces principes, pour restituer à l’ancienne galerie du Louvre une dignité et une ampleur qu’elle n’avoit pas auparavant. On s’attache pour l’ordinaire à augmenter l’effet de la longueur. Ici, où elle étoit démesurée, il s’agissoit de la diminuer en apparence ; c’est ce qu’on a cherché à obtenir avec assez d’adresse, en divisant ce long espace en travées qui, indépendamment du mérite du décor architectonique et propre au classement d’objets d’art, ont eu celui de dissimuler l’étroit du vaisseau, comparé à sa longueur démesurée.

La preuve que c’est de l’effet de la bonne proportion de la nef d’un temple, que résulte le plus ou moins d’impression qu’il produit, et que a proportion la plus anciennement adoptée est la meilleure, comme toutes les premières idées, c’est que, lorsqu’on a voulu abandonner la forme simple des basiliques et des croix latines, pour adopter la croix grecque, ce n’a été qu’au détriment de l’art. En effet, qu’on compare le plan de l’ancienne basilique de Saint-Pierre et de la nouvelle, ou des antiques temples grecs avec celui de Sainte-Sophie, bâtie lors de la décadence, certes l’avantage sera du côté de la forme longue sur la forme carrée. On l’a si bien senti lors de la construction de Saint-Pierre à Rome, qu’après l’avoir commencé sur le plan de la croix grecque, on a été force d’alonger l’un des bras de cette croix ; et quoique ce raccordement n’ait pas été exécuté avec toute l’adresse possible par Carlo Maderno, pour sauver le point de suture, le résultat en est ostensiblement meilleur.

C’est le défaut qu’on remarque dans l’église de Sainte-Geneviève de Paris, et ses proportions colossales à l’extérieur sont amoindries lorsqu’on entre dans cet édifice, à un point qui ne peut se comprendre, qu’en réfléchissant que cet effet mesquin est produit par le rapprochement du sanctuaire, qu’on est habitué dans les autres temples à voir à une distance pour ainsi dire respectueuse, et dans un lointain qui permet de se pénétrer du recueillement nécessaire avant de s’approcher des mystères sacrés.

Il résulte de ce que nous venons de dire sur les nefs et leur disposition si diverse, que malgré cette immense variété de combinaisons imaginées depuis seize siècles, l’on seroit tenté de croire qu’on n’a pas fait un seul pas vers la perfection depuis le