mens romains, où des arcades de plein cintre, détachées de la suite des portiques dont elles faisoient partie, sont restées, depuis des siècles, isolées et sans autre appui que celui de leurs piédroits. On a vu qu’au pont antique de Narni (voyez Narni) il ne subsiste plus depuis fort long-temps qu’une seule arche, des quatre dont l’ensemble se composoit jadis, et cette arches est assise encore sur ses deux piles de plus de quatre-vingts pieds de haut, et de soixante de large.
Mais ce pont sous lequel coule la Néra est construit entre deux montagnes dont il falloit établir la communication, et la rivière qui coule au fond de ce ravin n’eût pas exigé une telle élévation.
Cependant, selon la nature des terrains, la grandeur des rivières, et l’exhaussement des eaux qui en produit le renslement et l’impétuosité, mais surtout lorsqu’il s’agit de construire des ponts au milieu des villes, dont on ne sauroit à volonté exhausser les terrains, et lorsque les rivières encaissées par des quais, par des levées et des constructions, sont sujettes à s’élever prodigieusement, le système des arches plein-cintre a dû offrir plus d’un inconvénient.
1º. Si un fleuve ainsi encaissé est sujet à de grandes crues d’eau, la hauteur des berges prescrivant celle qu’on doit donner aux arches, et la voûte plein-cintre prescrivant aussi la largeur qu’elles doivent avoir, on comprend que l’architecte ne pourra s’empêcher de multiplier le nombre des arches, et par suite le nombre des piles, et par conséquent le nombre ou la quantité des obstacles qui s’opposeront au cours de l’eau.
2º. Si on suppose les berges du fleuve peu élevées, l’architecte, qui n’est pas le maître, selon les localités, d’élever son terrain à volonté et au gré de la hauteur que demanderoient les voûtes en plein-cintre de ses arches, ne pourroit le faire qu’en pratiquant de l’un et de l’autre côté du pont, des montées qui en rendroient l’accès très-difficile aux voitures.
De-là dut naitre le système des voûtes à cintre surbaissé, dont il paroît qui les Modernes ont usé les premiers.
Les premiers exemples de ce genre de construction des ponts nous paroissent être ceux de Florence, pratiqués sur l’Arno, par suite de la nécessité d’ouvrir de plus grandes issues aux débordemens de ce fleuve. On y voit deux ponts composés chacun de trois arches à cintre surbaissé ; mais le plus beau des deux, et sans aucun doute un des plus remarquables ouvrages dans ce nouveau système, est celui de la Trinité, que Côme Ier, fit construire par Ammanati, lorsque la grande inondation de 1557 eut renversé celui qui étoit à la même place. Ce pont, dans une longueur de trois cent dix-neuf pieds, n’a que trois arches ; celle du milieu a quatre-vingt-dix pieds d’ouverture. Les arcs fort surbaissés offrent une construction des plus légères, et la voie de ce pont n’éprouve ni montée ni descente d’aucun côté.
Cet exemple n’eut point d’imitation en Europe pendant un siècle et demi ; mais vers le milieu du dix-huitième siècle, le système de construction d’Ammanati fat remis en vigueur dans plus d’une contrée de la France par M. Perronnet. Dès 1751, fut commencé par cet architecte, ingénieur des ponts et chaussées, le vaste pont d’Orléans, composé de neus arches à cintre surbaissé, sur la Loire. La largeur de chaque arche est de quatre-vingt-seize pieds.
En 1765, fut achevé par le même, sur un bras de la Seine, à Mantes, et toujours en cintre surbaissé, un pont à trois arches, dont celle du milieu a cent vingt pieds d’ouverture ; les deux autres n’ont que cent huit pieds.
En 1774, fut commencé par le même M. Perronnet, le pont bâti à Pont-Sainte-Maxence, sur la rivière d’Oise. Il a trois arches surbaissées ; chacune a soixante-douze pieds d’ouverture, et trente-neuf pieds de largeur d’une tête à l’autre.
Ce fut en 1768 que fut commencé, par M. Perronnet, le grand pont de Neuilly, près Paris ; il fut achevé en 1774. Il est formé par cinq arches surbaissées, dont celle du milieu a cent vingt pieds d’ouverture ; les quatre autres ont quelque chose de moins.
On doit au même ingénieur les plans et les projets du pont de Louis XVI, à Paris, lequel est composé de cinq arches, dont celle du milieu a quatre-vingt-huit pieds ; les autres en ont soixante-douze.
Cesystème de construction est devenu général en France. L’on peut citer encore le pont du Champ-de-Mars, en face de l’Ecole militaire, à Paris, composé aussi de cinq arcades surbaissées, et, pour parler du dernier ouvrage fait dans ces dernières années en France, le pont de Bordeaux, composé de dix-sept arches à cintre surbaissé, qui a été terminé en 1822.
De grands ouvrages, en fait de ponts s’élevèrent aussi dans le cours du dix-huitième siècle, à Londres ; tels furent les ponts de Westminster et de Black-Friars, sur la Tamise.
Le premier fut commencé en 1739, et achevé en 1750. Il a douze cent vingt-trois pieds de long, quarante-quatre de large ; il se compose de quinze arches, dont celle du milieu a soixante-seize pieds d’ouverture. Ce pont est bâti dans le système des arcs plein-cintre.
Le pont de Black-Friars est composé de neuf arches ; celle du milieu a cent pieds d’ouverture ; les autres ont quatre-vingt-dix-huit, quatre-vingt-treize, quatre-vingt-trois et soixante-dix pieds : la longueur totale est de neus cent quatre-vingt-quinze pieds ; la largeur de quarante-deux. Commencé en 1760, il fut terminé en 1770. Le système de construction des arches de ce pont tient le milieu entre celui des voûtes surbaissées, ou plus ou moins plates, et le système des voûtes