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qui avoient échappé aux supérieurs du collège : chose difficile à croire, tant on sait qu’étoit particulier aux membres de cet Ordre célèbre le talent de démêler les dispositions de leurs élèves, et de les diriger vers ce qui s’annonçoit pour être leur véritable vocation.

Quoi qu’il en soit, on ne sauroit nier qu’ils n’aient su faire tourner les rares dispositions d’André Pozzo à la décoration de leur église. Jamais aucun peintre n’a étendu avec autant d’audace les limites de l’art des plafonds. Dans les voûtes de l’église de Jésus, non-seulement l’architecture, ses formes et ses membres ont disparu, sous la vaste composition imaginée par le peintre, mais on y voit encore une nouvelle architecture feinte s’élever sur la réelle, et d’énormes groupes de colonnes semblent de toutes parts, excepté d’un seul point de vue, prêts à s’écrouler sur la tête du spectateur. On cite (voyez Plafond) l’ouvrage de Pozzo au Jésus comme le plus notable exemple des abus où peut tomber, dans les édifices, le génie de la peinture décorative, quand il n’est ni comprimé ni réglé les lois sévères de l’harmonie architecturale.

Mais à l’époque de Pozzo, l’anarchie régnoit, et s’étoit incorporée dans toutes les parties de l’architecture.

L’autel de Saint-Ignace, dans la même église, fut élevé sur ses dessins. C’est le plus riche de tous ceux qui sont à Route, et on peut le dire, dans toute l’Europe. Mais cette prodigieuse richesse, flatteuse, si l’on veut, pour les yeux qui ne voient dans l’architecture que la matière, ne fait que mieux ressortir les vices qui en altèrent le plan, l’élévation, les formes et tous les détails ; et l’on en doit dire autant de l’autel de Saint-Louis de Gonzague, qui lui sert de pendant.

Si l’on veut prendre l’idée du goût et de la manière de Pozzo, et de tous les caprices qu’il dut à cette pratique de la perspective, dont il semble avoir plutôt fait un jeu qu’un art, il suffit de feuilleter les deux gros volumes de sa Perspective à l’usage des peintres et des architectes (Perspettiva de pittori ed architetti). C’est là qu’on voit porté au dernier point, ce qu’on pourroit appeler la caricature de la bizarrerie. C’est une congeries de piédestaux sur piédestaux, de colonnes portées sur des consoles, de formes en ondulations, de frontons écrasés, de figures baroques, de colonnes torses transformées en serpens, de colonnes supposées assises, etc.

Le même ouvrage renferme, du même auteur, deux dessins pour la façade de Saint-Jean de Latran, dont l’un est orné de pilastres corinthiens repliés et faisant des ressauts désagréables. Au milieu est une partie concave, terminée par deux demi-frontons contournés, qui ressemblent à des cornes. L’autre dessin n’est qu’une sorte de zigzag des plus bizarres, avec un portique ondulé dans toute son étendue.

Le P. Pozzo mourut à Vienne, où il avoit été appelé par l’empereur, pour peindre quelques plafonds. Il y répara quelques églises. entr’autres celle de la Maison professe des Jésuites. l’église de la Miséricorde, celles de lu Rédemption et de la Merci.

POZZO (del). Le comte Jérôme del Pozzo fut un des plus distingués dans cette classe d’architectes, qu’on pourroit appeler amateurs, si l’on considère que sa position et sa naissance ne lui avoient imposé ni le besoin de pratiquai l’architecture, ni la nécessité de ces études qu’exige la profession expresse de cet art.

Il faut dire que l’on a toujours compté dans les Etats vénitiens, parmi les plus hauts rangs de la société, de ces architectes par goût, qui se firent un plaisir et un devoir de propager, en construisant eux-mêmes, les bons principes de l’art, les traditions de l’antiquité, et ce goût classique qu’une suite de grands artistes semble avoir rendu héréditaire dans ce pays.

De ce nombre on doit mettre le comte Pompéi de Vérone, chez lequel une éducation soignée avoir développé le goût des sciences et des arts qui occupèrent sa vie toute entière. En 1731, ayant été obligé de faire rebâtir entièrement le palais qu’il avoir dans sa terre d’Illagi, et ne trouvant à Vérone aucun architecte digue de sa confiance, il se mit à étudier l’architecture. Vérone et l’Italie eurent acquis en peu de temps un architecte également versé dans la théorie et la pratique de l’ail. En 1735, il publia un ouvrage intitulé : Les cinq ordres d’architecture civile selon Michel San Micheli. On cite de lui deux palais très-bien entendus, où l’on voit des arcades ornées de bossages et de refends, l’un pour le marquis Piedémonti, dans sa terre, l’autre dans la terre de Pessino, pour le comte Giuliari. De lui est encore l’église qu’on voit hors du village de Sanguinetto, qui est circulaire en dehors et octogone en dedans. Le comte Pompéi a travaillé de prédilection à Vérone. Il avoir bâti la Douane, vaste édifice, dont la cour a deux cent vingt palmes de long sur une longueur proportionnée, avec deux rangs de galeries en colonnes. C’est encore lui qui est l’auteur du portique dans lequel Scipion Maffei voulut recueillir les monuments et les inscriptions antiques dont il avoir fait la collection. Beaucoup d’autres édifices furent construits à Vérone de son vivant, et sur ses dessins après sa mort.

Nous devions cette notice, omise en son lieu, et nous n’avons pu la mieux placer qu’en têté de celle qui a pour sujet un homme également distingué par sa naissance, son rang et sa passion pour l’architecture.

Jérôme del Pozzo naquit à Vérone en 1718. Comme son célèbre concitoyen dont nous venons de parler, il n’eut d’autre maître que Vitruve, Palladio, Scamozzi et les anciens monuments, dont il étudia particulièrement les principes et le goût.