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Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/213

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tourné avec ce qui fait le fond de l’architecture. Il ne faut pas croire, en effet, que l’architecte, lorsqu’il conduit un bâtiment pour les divers usages des professions sociales, doive être même initié dans leurs connoissances. Le seul bon sens avec le secours des hommes de chacune de ces professions, lui indiquera les convenances auxquelles il doit assujettir ses conceptions, et nous ne croirons pas qu’il ait besoin d’étudier la médecine, pour connoître les différences d’expositions et de situations saines ou malsaines des bâtimens.

Nous pensons toutefois que la connoissance pratique de la perspective, est encore une de celles que l’architecte ne sauroit se dispenser de faire entrer, dans le cercle des objets qui peuvent donner à comprendre ce qu’est la pratique savante de l’architecture.

La seconde partie de la pratique en architecture qui tient à une exécution manuelle ou mécanique, peut s’appeler la pratique ouvrière. Une telle dénomination porte avec soi sa définition. Cette pratique est sans doute fort importante, et comme de la connaissance intime de ce qui constitue, dans l’emploi des matériaux, la bonne façon ou la malfaçon, dépendent la durée de l’édifice, l’économie des dépenses, il est nécessaire que l’architecte ait, dans sa jeunesse, opéré par lui-même, assez, pour savoir les causes des abus, et les moyens de les prévenir ou de les réprimer.

Pratique : se prend souvent dans le discours, moins comme opposé à théorie, que comme indiquant, dans l’exercice des arts, une habitude de les considérer, de les étudier, de les professer uniquement par ce côté que chacun présente a l’artiste, et qui est celui de l’exécution.

C’est ainsi qu’on dit de beaucoup d’ouvrages, qu’ils ne sont faits que de pratique. Par-là, on exprime un défaut fort ordinaire, et qu’on peut définir de plus d’une manière.

Il y a, en effet, dans toute imitation, des procédés d’exécution qu’une certaine routine fait assez promptement apprendre ; le maître et l’habitude de le voir opérer, les transmettent beaucoup plus facilement, que cet esprit qui doit diriger les opérations de la main. Il y a une tendance trop commune à suivre quelques maîtres, quelques modèles, à copier leurs œuvres, à calquer leur manière et à emprunter leurs défauts. Il y a enfin une confusion d’idées trop ordinaire, qui fait confondre l’opération de copiste avec l’action libre de l’originalité. De-là résulte, que le maître, ou le modèle de l’art qu’on prend pour maître, fait oublier de prendre les leçons du véritable maître qui est la nature, ou le premier principe de l’imitation. Insensiblement les ouvrages dégénèrent, faute par l’artiste d’aller puiser à la source de la vérité. La partie exécutive de l’art devient l’esprit de l’ouvrage, dont elle devroit n’être que le corps. C’est alors qu’on voit en tout genre, de ces ouvrages que l’on appelle faits de pratique, parce qu’on n’y découvre plus une transmission immédiate des vérités, des beautés, des qualités émanées du grand modèle, mais une simple réminiscence de la manière des ouvrage d’autrui, et la trace d’une opération que la routine seule a guidée.

Le mot pratique change donc d’acception sans changer précisément de sens. Il signifie toujours exécution plus ou moins mécanique, plus ou moins dépendante du sens extérieur, et du secours de la main, et toujours on en recommandera l’exercice à l’artiste ; car celui qui manqueroit de pratique, manqueroit aussi, dans chaque art, de ce qui est le moyen d’en exprimer les idées, de leur donner un corps, et d’en rendre l’impression sensible. Il faut donc que l’artiste ait de la pratique, c’est-à-dire, il faut qu’il s’exerce à toutes les parties plus ou moins mécaniques et matérielles, sur lesquelles repose l’exécution des images, des formes, des compositions que son génie lui fait concevoir.

Mais de cette nécessité de la pratique résulte aussi bien souvent une fâcheuse méprise et dans les études de l’artiste et dans le goût du public. Au fond, ce qu’on appelle exécution dans les beaux arts, est la seule chose qui puisse s’enseigner d’une manière positive, parce qu’elle participe à la nature et aux propriétés des procédés des arts mécaniques, dont la transmission s’opère par le seul secours des exemples, et de la répétition des copies qu’on en fait. Hors de cette partie, qu’on nomme exécutive, rien ne peut être soumis à une méthode régulière d’enseignement. Tout ce qui procède du sentiment, tout ce qui tient à la faculté d’imaginer, ne sauroit se communiquer. Aussi voyons-nous généralement dans toutes les écoles des maîtres les plus célèbres, leurs élèves habiles à recueillir ce qu’on appelle leurs manières, ou les qualités extérieures de leur talent, devenir copistes plutôt qu’imitateurs.

Dans les écoles publiques d’enseignement des beaux-arts, il est encore plus naturel, que ce soit la partie pratique ou exécutive qui l’emporte sur la partie morale, de goût, de sentiment ou de génie. Ce qui a besoin de l’action concurrente de l’esprit et de la main, nous dit assez que s’il est facile de diriger la main par le secours des yeux, il ne l’est pas autant de cultiver les qualités morales, d’où doit dépendre le succès de l’imitation.

Ajoutons à cela que l’effet naturel de ce grand nombre d’ouvrages et de chefs-d’œuvre proposés pour modèles aux étudians, est d’opposer à l’action libre du génie de chacun, autrement dit à l’originalité, une sorte d’obligation de suivre des routes déjà tracées, et de se régler, pour réussir, sur des exemples qui sont devenus des lois. De là l’habitude de ne plus penser que par les pensées d’autrui, de ne plus voir par ses propres yeux, et de subordonner la sphère de ses mouvemens à