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qui, chacune consultée en particulier, soit propre à enseigner par sa mesure, quelle est la mesure de chacune des autres, quelle est celle du tout, et de faire connoître, par la mesure du tout, quelle doit être celle de chaque partie.

Or, voila ce qu’on ne trouve dans l’architecture égyptienne, ni dans celle qu’on appelle gothique, et inutilement le chercheroit-on dans toutes les autres.

Nous avons déjà montré, à l’article général de l’Architecture (voyez Architecture), comment et par quel concours de causes, l’art des Grecs, devenu depuis l’art universel, étoit parvenu à se donner un tel système. Nous ne retraçons ici en peu de mots, quelques-unes de ces notions, que pour bien faire comprendre et saisir l’idée de la vraie proportion, dans les œuvres de l’architecture, et comment d’un principe fécond, dûrent sortir des résultats toujours susceptibles d’applications nouvelles, et de développemens indéfinis.

Le principe matériel d’où sortit, comme tout concourt à le prouver, l’architecture grecque, fut la construction en bois, et un ensemble de construction simple à la fois et solide, dont toutes les parties se trouvèrent liées et combinées entr’elles, de la manière la plus propre à réunir l’unité avec la variété. Nous ne voulons pas nier que le bois ne put être employé dans les constructions primitives des sociétés naissantes, de beaucoup d’autres façons, et nous sommes loin de prétendre que ce qu’on appelle la nature, ait prescrit aux hommes un seul assemblage de charpente, et qu’il n’y en ait eu qu’un seul, qu’on puisse nommer l’ouvrage de la nature. La nature ne prescrit rien en détail sur ce point. Elle inspire seulement, selon les différents causes physiques des divers pays, des formes plus ou moins propices aux combinaisons, d’où les arts peuvent faire sortir, dans la suite, les impressions du plaisir que produit un ensemble harmonieux. La nature, qui n’eut jamais en vue de donner des modèles aux arts, se borne, dans les temps dont on parle, à conduire l’instinct de l’homme vers ce qui lui est utile. Si ensuite cet utile, dans les formes d’habitation, suggérées par l’instinct du besoin, s’accommode aux formes que plus tard l’instinct du plaisir y voudra associer, nous ne dirons point que cela soit venu par l’effet de la volonté de la nature, nous nous contenterons de reconnoître ce fait, comme un accident du hasard si l’on veut ; mais nous reconnaitrons que ce hasard a eu lieu en Grèce, dans les constructions primitives en bois. Nous avons établi déjà, cette preuve dans plus d’un article (Voy. Architecture, Bois, Cabane), et on y a vu que l’emploi de la pierre, par exemple, comme élément primitif de construction, n’auroit pu suggérer, ni les combinaisons diverses, ni les formes variées du bois, ni surtout ces rapports nombreux et nécessaires des parties constituantes d’un ensemble, qui forcent chacune ù se coordonner à un principe régulateur, d’où naît un commencement de proportion dans le sens où nous entendons ici ce mot.

Il y a une sorte de synonymie entre cette idée de proportion et l’idée d’harmonie. Or, harmonie signifie liaison, et l’idée de liaison emporte avec soi, dans quelque genre que ce soit, celle de rapports nécessaires. Mais dans la construction, les rapports les plus nécessaires sont ceux qui sont ordonnés par la nature des choses, qui est ici la matière. Or, il n’y a point de matière qui exige plus de ces rapports que le bois, où ils soient plus multipliés à la fois et plus évidens, et où la connexion des parties produise un enchaînement plus sensible avec le tout.

Voilà la cause première du système de proportions, qui, naissant en Grèce avec l’art de bâtir, s’y développa peu à peu, sous l’influence d’un mode de construction soumis à des rapports nécessaires, s’y modifia avec les progrès de cet art encore simple, et eu vint jusqu’à fournir à la construction eu pierre, lorsque la richesse et le luxe en eurent amené l’emploi, un modèle déjà si bien fixé, que le génie de l’architecture n’eut plus besoin que d’y appliquer, en le perfectionnant au gré du plaisir et de la raison, les lois des proportions, que l’étude des arts avoit rendues familières, par l’imitation du corps humain.

Cette étude, et l’habitude d’en voir et d’en saisir les résultats, dans les images de la sculpture surtout, ne pouvoit pas ne point exercer son influence sur les œuvres de l’architecture. Remarquons, en effet, que si tous les arts ont entr’eux un lien commun, c’est bien surtout dans cette imitation dont la nature fournit à chacun le modèle, selon le point de vue dont chacun la considère. Mais, quant à l’architecture, cette faculté imitative qui lui est propre, elle ne sauroit l’acquérir, qu’autant que les autres arts, en lui en montrant l’exemple, lui en font un devoir. Aussi observe-t-on que, dans tous les pays et dans tous les temps, où l’imitation vraie du corps humain, de ses formes et de ses proportions fut inconnue, l’architecture fut privée de tout système de proportions.

Dès que cette imitation fut perfectionnée en Grèce, il fut sensible à tous, que sa perfection consistoit dans l’observation de tous les rapports nécessaires des membres, et de chacune de leurs parties avec le tout. Dès-lors il se forma une science, en vertu de laquelle, tous les rapports étant fixés dans l’art, comme ils le sont dans la nature, on put déterminer par un ongle, la grandeur d’un doigt, par un doigt, celle de la main, et ainsi de suite, par la main, le visage ou la tête, par celle-ci le corps, et réciproquement. La mesure totale du corps fit connoître la mesure de la plus petite partie. On sut combien chacune devoit se trouver de fois dans le tout. Un module

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