entre le oui et le non, il perd souvent sans fruit, et laisse passer le temps d’exécuter.
Léon Batista Alberti, dont Nicolas V fut apprécier le génie, ne paroît cependant avoir eu d’autre part, que celle du conseil dans les vastes inventions que ce Pape méditoit. Bernard Rossellino fut son architecte favori. Ce fut lui, en effet, qui donna les premiers plans de la basilique de Saint-Pierre. Déjà même la partie du chevet de l’église étoit hors de terre, lorsque Nicolas V mourut, et le seizième siècle hérita, non-seulement de l’entreprise, mais encore de l’honneur de l’avoir conçue.
Gianozzo Manetti, dans la Vie du pape Nicolas V, nous a transmis une description au projet de Rossellino. Quoique la description d’un édifice qui ne fut point exécuté, et dont il ne reste aucun vestige, ne soit guère propre à offrir une idée bien claire de sa composition, nous avons cru cependant qu’une notion aussi curieuse pour l’histoire de l’architecture, auroit plus d’une sorte d’intérêt. Quand on n’y verroit que le germe de l’église de Saint-Pierre, ce germe mériteroit d’être recueilli. Mais peut-être y verra-t-on encore quelques détails dont la tradition a pu influer sur la destinée du plus grand édifice qui soit au monde.
Rossellino, encouragé par le génie de Nicolas V, conçut son projet avec ses accessoires, dans des dimensions qui paroissent fort rapprochées de celles qu’offre l’ensemble du monument actuel. La basilique qu’il projeta, devoit s’étendre fort au-delà de l’ancienne. Son chevet, la seule partie qui fût commencée, s’élevoit à l’endroit occupé par le petit temple ou tombeau de Probus, lequel étoit situé en dehors et au bout de l’hémicycle de l’ancien Saint-Pierre, et qui fut démoli pour faire place à la nouvelle construction. Le plan général du temple étoit imité de celui des basiliques antiques : une vaste nef formée par des colonnes du quarante coudées, et accompagnées, de chaque côté, par deux nefs collatérales, se trouvoit coupée par une croisée de ceut quatre-vingts coudées de longueur. La largeur générale du temple, sans y comprendre la croisée, étoit de cent vingt coudées, et sa longueur, depuis le premier vestibule, étoit de cinq cents. L’hémicycle, ou ce qu’on appelle en Italie la tribune, avoit quarante coudées de large, et soixante-quinze de longueur. Elle étoit environnée de gradins en amphithéâtre, et éclairée par des fenêtres en œil-de-bœuf. L’autel étoit situé en avant de la croisée. Au centre de celle ci s’élevoit une coupole de cent coudées de haut. L’œil de la voûte servoit en même temps de fenêtre, par où la lumière se répandoit dans l’intérieur.
On n’arrivoit à l’église qu’après avoir traversé trois vestibules. Entre celui qui tenoit à l’église, et le second, étoit une cour environnée de portiques, et qui renfermoit les logemens des chanoines. Au milieu étoit une grande fontaine, couronnée par une pomme de pin (probablement celle du mausolée d’Adrien, aujourd’hui au belvédère du Vatican). Le premier vestible ou celui d’entrée, avoit cinq portes, et à ses extrémités s’élevoient deux tours ou campaniles, desquels partoit, de chaque côté, un grand mur qui environnoit le temple, jusqu’aux branches de la croisée. En avant de ce vestibule, élevé sur une grande esplanade à degrés, s’étendoit une vaste place de cinq cents pas de long sur cent de large, environnée de colonnes. A cette place venoient aboutir trois rues formant patte d’oie, et faisant partie du projet général qu’avoit conçu Nicolas V, de rebâtir à neuf tout le quartier de Borgo nuovo.
Bernard Rossellino fut encore l’auteur de cet immense et magnifique plan, dont celui qu’on vient de décrire n’eût été qu’une petite partie. Selon ce plan, tout le quartier qu’on vient de nommer, devoit devenir une ville nouvelle, qu’on auroit appelée la ville du Vatican. Trois grandes rues, avec des portiques couverts, auroient conduit à Saint-Pierre et au palais pontifical. Ce palais devoit être reconstruit à neuf, et renfermer tous les bureaux, offices, tribunaux administratifs, civils et ecclésiastiques. On y établiscoit des demeures pour tous les princes de la chrétienté, un théâtre pour le couronnement des Papes, un local pour le conclave, des bibliothèques, des jardins, des fontaines, des portiques de tout genre. Enfin, c’eût été moins, un palais, qu’une espèce d’abrégé du monde chrétien, au milieu duquel auroit habité le chef de la chrétienté. Il paroît que ces travaux eurent un commencement d’exécution, et une tour qu’on voit encore, s’appelle la tour de Nicolas V.
Ce Pape employa Bernard Rossellino à la réparation et à la reconstruction de ce qu’on appelle, à Rome, les quarante églises, ou les églises à station. Cet architecte restaura Santa-Maria in Transtevere, Saint-Praxède, Saint-Théodore, Saint-Pierre-aux-liens et beaucoup d’autres d’une moindre importance. Mais il se distingua surtout dans les travaux des six plus grandes églises ; telles que Saint-Jean de Latran, Sainte-Marie-Majeure, Saint-Etienne-du-Mont, les Saints-Apôtres. Quant à Saint-Pierre, on a vu de quelle manière il comptoit en renouveler la totalité.
Le zèle du Pape et la capacité de Rossellino s’étendirent à tous les objets d’amélioration, de salubrité et d’embellissement de la ville de Rome. Ses murs furent réparés, et fortifiés par des tours construites de distance en distance. Le château Saint-Ange fut mis en état de défense au dehors, et embelli dans son intérieur. Depuis l’empereur Adrien, Rome n’avoit pas vu de prince possédé de la passion de bâtir, comme le fut Nicolas V.
Il ne la renferma pas seulement dans Rome.