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Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/32

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Une peinture antique du palais Barberini représente un de ces nymphées rustiques. On y voit une grotte percée dans le tuf, dont l’espèce de voûte est formée par des pierres brûtes : d’abondantes eaux y coulent de toutes parts, et sont reçues dans des bassins. Le terrain en paroit inondé et rempli d’herbages. A l’entrée de la grotte est une petite chapelle dont l’entablement est supporté par des colonnes et orné de vases.

On voit donc que les nymphées, comme on l’a dit, furent originairement des espèces de monumens naturels ou rustiques, consacrés aux nymphes, qui d'abord n’y figuroient que sous l’emblême des eaux, dont elles étoient les divinités. Leurs statues y furent ensuite placées lorsque les embellissemens de l’art vinrent, suivant l’expression de Juvénal, profaner la nature ; car c'étoit de semblables lieux que ce poête parloit dans ces vers :

In vallem Egeria descendimus atque speluncam
Dissimiles veris quanto prestantius esset
Numen aqua. viridi si margine clauderet umbres
Herba, nec ingenuum violarent marmora tophum.

Martial fréquentoit de semblables grottes sur le rivage de Bayes. Ces lieux, consacrés d’abord par la religion, servoient aussi de refuge contre les ardeurs du soleil ou les intempéries de l’air ; mais ensuite ils devinrent des rendez-vous de débauche et de libertinage, et, dans les temps de corruption, on y rechercha toutes sortes de genres d’agrémens. Enfin, la sainteté du lieu ne fut plus qu’un voile sous lequel le plaisir se cachoit plus hardiment.

Tout ce que les poëtes et les écrivains disent des nymphées, convient si bien aux deux grottes du lac d’Albano, dont on a parlé plus haut, que nous ne pouvons nous dispenser d’y ramener le lecteur.

La première de ces grottes, celle qui est située sous Castel-Gandolpho, est taillée irrégulièrement dans la montagne, et l’on y remarque une certaine réunion de l’art et de la nature : celle-ci paroit en avoir seule donné le plan irrégulier, et l’art fut obligé, dans la décoration des murs, de s’y conformer. On n’y observe aucune symétrie ni correspondance entre les niches. Trois autres grottes plus petites, percées de même, sont pratiquées dans l’intérieur de la grande. Des conduits taillés dans le roc indiquent qu’il y eut jadis des eaux abondantes qui sont aujourd’hui réduites à un filet.

La voûte est encore ornée de rocailles, faites de tuf ou de pierre-ponce. La montagne est taillée à pic en avant et autour de la grotte, pour en rendre l’entrée plus ouverte et plus dégagée. Les murailles, qui sont de briques, sont encore revêtues par endroit, ainsi que les niches, des mêmes rocailles que la voûte : mais, dit Piranesi, on est porté a croira que c’est plutôt à l’art qu’à la destruction qu’il faut attribuer ces manques de continuité dans le revêtissement. C’est qu'on auroit cherché à imiter en tout les caprices que la nature offre dans ces sortes de lieux.

Le second nymphœum, situé à la partie septentrionale du lac d’Albano, du côté de Marino, doit avoir été au nombre de ceux dont se plaignoit Juvénal, dans les vers rapportes plus haut, et oû l’art avoit caché la nature, qui, selon le poëte, devoit seule faire le charme de ces endroits. Quoi qu’il en soit du goût de Juvénal, on ne souroit s’empêcher de reconnoître, dans cet édifice, le caractère d’architecture convenable au lieu, et ce monument pourroit servir de modèle aux grottes ornées dont on embellit les jardins.

Ce nymphée eut, beaucoup plus que le précédent, la forme d’un temple consacré aux nymphes. Son plan est régulier ; il forme un carré long. Les murs sont, de chaque côté, ornés de sept niches de forme quadrangulaire : les niches du bout sont circulaires par leur plan. On descendoit dans ce lieu par un escalier composé de onze marches, et précédé d’un vestibule. Au-delà de ce qui étoit le sacrarium, on trouve encore quelques chambres, qui ne recevoient de jour que par un puits pratiqué et percé à-plomb dans le cœur de la montagne.

La construction de ce nymphée est en reticulatum qui étoit recouvert du rocailles. Son architecture a des particularités qui méritent d’être remarquées. Les pilastres des angles ont des chapiteaux dont les volutes sout ioniques ; mais elles offrent cette singularité, qu’elles prennent leur naissance ainsi que les cannelures, et s’élèvent de bas en haut, comme les feuilles et les caulicoles du chapiteau corinthien. L’architecte imagina peut-être ce chapiteau, pour le raccorder avec les consoles, qui portent l’entablement et se terminent aussi en volutes, et qui, par leur saillie, semblent être l’extrémité de poutres enfoncées dans le mur sur lequel portent les plates-bandes. Ces consoles et les quatre pilastres du bout, quoique de figure ionique, ont un entablement orné de triglyphes. Ce n’est pas le seul exemple de cette réunion qu’on puisse citer dans l’antique. Un petit tombeau à Agrigente offre des colonnes ioniques à ses quatre angles, et l’entablement est dorique, avec des triglyphes.

Il paroît que l’intérieur de Rome avoit plusieurs de ces nymphées construits et décorés par l’art, où l’on trouvait des fontaines qui, sans doute, servoient aux besoins publics,

A Nîmes, près de l’endroit qu’on appelle encore aujourd’hui la Fontaine, et d’où partent des distribuions d’eaux dans toute la ville, on voit un beau reste d’un autre petit temple qu’on dit, sans aucune raison, avoir été un temple de Diane, On croit, et avec assez de vraisemblance, que ce fut autrefois un nymphœum. Voyez Nismes.


OBÉLISQUE,
OBÉLISQUE,