donné naissance à tous les maîtres qui ont formé les grands hommes du seizième.
L’architecture, surtout, lui fut redevable d’un grand nombre de monumens et d’édifices, qui ne furent point surpassés pour la grandeur de la masse, la simplicité des plans, la justesse des proportions et la noblesse de l’ordonnance. Tels furent ceux de Bruneleschi, à Florence, de Leon. Batista Alberti, à Rimini et à Mantoue ; tel fut le palais de Georgio Sanesa à Urbin, dans lequel on s’accorde à vanter, et le mérite de la décoration, et même celui de la distribution. On y trouve encore certaines parties d’escaliers d’une invention particulière, et d’une exécution ingénïeuse.
Ce palais est bâti en briques, et d’une extrême solidité. Sa façade se recommande plutôt par le grand caractère, que par un style élégant, soit dans les portes, soit dans la forme des fenêtres qui manquent d’une proportion agréable.
La principale cour est un rectangle, ou carré long, environné de portiques en arcades, soutenues par des colonnes isolées, de travertin d’une séule pièce. L’ordre est du genre de celui que les Modernes ont appelé composite, et la base en est attique. Au-dessus des arcades règne un entablement, qui porte un second ordre de pilastres corinthiens, entre lesquels sont disposées les fenêtres, de manière que leur ouverture correspond à celle des arcades du rez-de-chaussée. La masse est couronnée par un entablement, dans la division duquel on a pratiqué les fenêtres d’un petit appartement, et en retraite est encore un autre petit étage de service.
Le grand escalier est commode et spacieux. La salle principale a cent pieds de long et cinquante de hauteur. Elle est couverte par une voûte à lunettes. Toutes les pièces de ce palais, sont également voûtées.
Georgio Sanese fit les dessins et les modèles que lni demanda le pape Pie II, pour le palais de l’évêché de Corsiguano, sa patrie, à laquelle il donna et le litre de ville, et le nom de Pienza, qui étoit le sien propre.
SANGALLO (DA) GIULIANO et ANTONIO, architectes florentins. Le premier naquit en 1443 et mourut en 1517. Le second mourut eu 1534.
Si l’on a associé dans un même article ces deux architectes, c’est moins parce qu’ils furent srères, et qu’un même talent ainsi qu’un même goût dut les réunir dans les mêmes travaux, que pour éviter la confusion qui auroit pu naitre entr’eux, ou du moins entre l’un d’eux, et un autre Antoine Sangallo, leur neveu, qui, devenu plus célèbre, occupe un des premiers rangs dans l’histoire des architectes.
Le père de Julien et d’Antoine Sangallo s’appeloit François Giamberti, architecte de quelque mérite, qui vivoit sous Côme de Médicis, sur-
nommé le Père de la patrie, et grand-père de Laurent-le-Magnifique. Il fut employé par lui dans tous les travaux de ce temps. Quant à ses deux fils, il leur fit apprendre l’art de la sculpture eu bois, et la perspective, à l’école de Francione, artiste fort recommandable alors. Julien avoit les dispositions les plus heureuses pour réussir dans tout ce qu’on lui donnoit à entreprendie. On avoit voulu faire de lui un sculpteur. Il fit voir en peu de temps qu’il l’étoit, et les belles sculptures du chœur de pise déposent encore aujourd’hui-de la précocité, comme de l’excellence de son talent. Il lui survint bientôt une nouvelle occasion de montrer sa capacité, dans un genre fort différent. Laurent de Médicis eut besoin d’un ingénieur pour un siége qu’il avoit à soutenir. Julien de Sangallo devint ingénieur, et, qui plus est, excellent artilleur. Il perfectionna l’art de manœuvrer le canon, et servit les projets de Laurent au-delà de son attente. Aussi en reçut-il des témoignages de bienveillance, qui ne se bornèrent point à de vaines paroles.
L’architecture fixa enfin son goût el sa vocation : son premier ouvrage fut, à Florence, le cloître des Carmélites de Santa-Madalena de Pazzi. La partie qu’il en exécuta est celie où règne un ordre ionique. Il y copia un chapiteau antique, trouvé dans les ruines de Fiesole, et qui passoit alors pour être unique en son genre. Ce qui le distingue du chapiteau ionique ordinaire, c’est cette espèce de gorgerin ou de frise, qui se trouve entre le collarin el l’astragale ; c’est encore la sorme de la volute, qui descend jusqu’au collarin. Or, ces deux variétés sont précisément celles qui distinguent le chapiteau ionique que du temple d’Erechtée à Athènes. Julien de Sangallo avoit, donné une preuve de son goût, en faisant revivre ce mode élégant de chapiteau. Malheureusement la manque de sonds ne permit pas d’achever ce cloître.
Laurent de Médicis avoit appris à distinguer le mérite de Julien de Sangallo. Il n’hésita point de le préférer à ses anciens et à son maître, en voyant le modèle qu’il lui avoit commandé, en concurrence avec eux, pour le palais qu’il projetoit de faire bâtir, entre Florence et Pistoia, dans le lieu qu’on appelle Poggio a Caiano. Julien eut ordre de mettre sur-le-champ la main à l’œuvre. L’édifice qu’il exécuta, fit voir des choses alors nouvelles en architecture. Telle fut la voûte en berceau qui couronne la vaste salle de ce palais. Ou n’avoit, jusqu’à ce moment, osé en entreprendre de cette hardiesse. Laurent de Médicis n’en croyoit pas l’exécution possible, attendu la grande largeur du local. Julien, pour le rassurer, se mit à en construire une selon le même système de courbe, dans une maison qu’il bâtissoit pour lui-même à Florence. Enfin, l’ouvrage eut un succès complet, et procura à son auteur une grande réputation.