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Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/351

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SAN SAN 343


Une disposition de façade plus harmonieuse est celle du palais Bevilaqna ; l’étage à rez-de-chaussée est d’une proportion mieux adaptée à un soubassement. Il se compose d’un portique en arcades, dont les piédroits sont ornés de pilastres doriques. Le tout est taillé en bossage ; l’entablement supporte un balcon continu. L’étage supérieur est percé de trois grandes fenêtres en arcades, entremêlées de quatre plus petites cintrées, et au-dessus desquelles sont les petites fenêtres d’un mezzanino. Une ordonnance de colonnes corinthiennes, très-également espacées, décore et divise avec beaucoup de régularité cet étage. On observe, que de ces colonnes, les unes ont des cannelures perpendiculaires, les autres les ont en spirales. Cette particularité déjà été remarquée à la chapelle Guareschi. Etoit-ce de la part de Sanmicheli une recherche inspirée par le goût de la variété ? L’entablement de ce palais est lourd, et s’éloigne de la pureté ordinaire du style de l’architecte. Aussi croit-on que cet ouvrage, comme beaucoup de ceux qu’il sit, ne fut pas terminé par lui.

Mais il nous semble qu’entre toutes les façades de palais dont Massei a publié les dessins celle du palais Pompei se recommande singulièrement par l’ensemble. simple et harmonieux de son ordonnance, par l’unité de sa composition, et le beau rapport de toutes les. parties entr’elles. Un sort bel ordre de portiques ou d’arcades, formant les fenêtres de l’étage principal, a ses piédroits ornés de colonnes doriques, ayant chacune un socle qui repose sur les piédestaux placés entre les balcons de chacune des ouvertures. Au sommet du bandeau de chaque arcade, est sculpté un mascaron. L’entablement a. une frise avec triglyphes et métopes, et une corniche d’un caractere conforme au style dorique. De petites ouvertures sont pratiquées au-dessus de l’entablement, et en retraite, de manière à ne faire aucunement partie de cette façade. L’ordre de portiques servant de fenêtres, avec les colonnes dont on vient de parler, repose sur un soubassement très-simple, d’un goût sort mâle. Il est percé, de même par au rang égal d’arcades a bossages. Six de ces arcades sont des seutres, la septieme ou celle du milieu est l’ouverture, de la porte.

Sanmicheli ne se répète dans aucune de ses compositions de palais. Il sait en diversifier les aspects, les sormes, les ordonnances et les détails, sans sacrifier à aucun caprice. C’est toujours son style et sa manière, mais aucune de ses inventions ne ressemble a l’autre ; on croit voir même qu’il y chercha plus de variété que ne l’avoient fait ses prédécesseurs, li paroit encore avoir affectionné l’emploi des arcades, soit dans les soubassemens, soit, pour les ouvertures des fenêtres. Dans le palais Masfei, il se plut cependant à réunir les doux formes, et sa façade


est peut-être l’assemblage le plus complet des divers genres de richesses, que peuvent recevoir de pareils édifices.

L’étage inférieur, servant de soubassement, est en arcades à bossages très-saillans, et les colonnes qui viennent en avant des piédroits, sont également traversées par des bandeaux de bossages, dans le goût de ceux du palais Pitti. Il est visible qu’ici Sanmicheli a pris modèle sur les palais de Florence. Le premier étage de ce palais est du genre le plus noble qui puisse être appliqué à un palais. Un ordre de colonnes corinthiennes se détache sur les trumeaux à bossages des fenêtres, dont les chambranles sont surmoutés de srontons, alternativement angulaires et circulaires. L’entablement qui couronne cet étage porte une ringhiera ou balcon continu, lequel règne au-dessous d’un étage attique extrêmement orné. Les fenêtres de ce petit étage ont un encadrement sort simple, mais les trumeaux qui les divisent reçoivent des cartels, et au milieu de chaque trumeau s’élève, en manière de terme, un atlante, qui supporte un entablement, lequel profile sur le chapiteau de chacun de ces atlantes. On désireroit, sans doute, dans le couronnement de ce palais, la suppression d’une frise enrichie de sculpture, au-dessus de l’entablement dont on a parlé ; car, si l’on compte encore la balustrade ornée de statues, qui fait l’amortissement désinitif de cette masse, on est obligé d’y reconnoître une cumulation dé parties, qui ajoute à la hauteur, sans augmenter la grandeur morale, et une redondance d’ornemens qui augmente le luxe sans ajouter à la vraie richesse.

Cette critique, que nous croyons fondée, pourroit bien, au reste, ne pas tomber sur Sanmicheli. Nous avons en effet observé déjà, d’après les renseignemens conservés par l’histoire, que les grands et nombreux travaux qui, en des genres si divers, occupèrent sa longue et laborieuse vie, l’empêchèrent souvent de mettre là dernière main à plus d’une sorte d’entreprise.

La seule énumération de ses ouvrages seroit la matière d’un long article. Obligés di choisir dans celui-ci, entre tant dé palais et d’édifices, quelques uns des plus notables, nous ne pouvons encore nous empêcher de citer, avec Vasari, le célèbre palais Soranzo, construit à Castel-Franco, entre Padoue et Trévise, sur le territoire de Venise, et qu’on répute une des plus grandes, des plus belles et des plus commodes habitations de campagne qu’il y ait dans un pays peuplé de demeures, qui rappellent le luxe et la richesse des anciens patriciens de Rome.

L’aristocratie n’est peut-être pas le gouvernement le plus favorable a ces vastes entreprises de l’art de bâtir, que la puissance seule des monarques peut concevoir et exécuter ; mais il n’en est pas qui fournisse à l’architecture des palais de