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Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/36

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OBÉ OBÉ


en tirer de notions détaillées et précisés sur les procédés mécaniques suivis par l’architecte.

Presque tous les obélisques dressés par les Romains subirent le sort du plus grand nombre des édifice et des monumens de ce peuple ; ils furent renversés et brisés dans les différentes invasions des Barbares, et ils restèrent dans cet état recouverts en grands partie de terre et de décombres jusqu’au temps dit pape Sixte-Quint, qui entreprit de rendre à la Rome chrétienne la grandeur et la magnificence qu’on lui voit aujourd’hui, grâce au zèle soutenu pour les beaux-arts de tous les pontifes ses successeurs. Sixte-Quint fit transporter devant l’église, et au milieu de la place de Saint-Pierre, l’obélisque du Vatican, le seul qui étoit demeuré debout à Rome sur son piédestal, dans le cirque où Caius César l’avoit placé. Il fit retirer à très-grands frais, des ruines du grand cirque, les morceaux du plus grand obélisque qu’il y ait eu à Rome, et les fit replacer l’un sur l’autre de manière à lui rendre, pour l’œil, son ancienne intégrité, et il l’érigea sur la place et en face de Saint-Jean-de-Latran. On lui doit encore la restauration et l’érection de celui qui orne la place del Popolo, ainsi que de celui qui s’élève en face de Sainte-Marie-Majeure.

Depuis Sixte-Quint on vit successivement reparoître et s’élever dans les différentes places de Rome les autres obélisques, soit ceux que le temps avoit épargnés en entier, soit ceux qui eurent besoin de restauration : tels furent ceux de la place Navone, par le pape Urbain VIII ; de la place de la Minerve, pur Alexandre VII. Le pape Benoit XIV fit transporter les morceaux de l’obélisque horaire devant le palais de Moute-Citorio. Ces morceaux ont été depuis rassemblés et restaurés par les soins du pape Pie VI, qui a rendu à cet obélisque son ancienne destination, en le faisant dresser sur la place et vis-à-vis du palais de Monte-Citorio, où un nouveau globe de bronze, surmonté du style d’un gnomon, doit encore servir de méridien. Le même pape a relevé les derniers obélisques qui restoient encore, ou inconnus, ou négligés dans Rome, et il en a fait dresser un sur la place de Monte–Cavallo, un autre en face de l’église de Trinita-del-Monte.

On voit donc que les obélisques égyptiens, encore plus étrangers aux usages, aux croyances des modernes et aux pratiques de leur architecture, ne devinrent, dans Rome chrétienne, que des monumens décoratifs pour les yeux, et des objets de recherches ou de curiosité pour les antiquaires.

Cependant ces prodigieux ouvrages de l’art égyptien ne durent pas manquer d’étonner les artistes. Tout ce qui est grand a droit à l’admiration des hommes. En fait de monumens, les obélisques et les pyramides de l’Égypte sont restés dans l’imagination, et sont, par le fait, les ouvrages les plus durables de l’industrie humaine, ceux dont la masse bravera le plus victorieusement les efforts du temps et de la destruction.

Il ne faut donc pas s’étonner du goût qui en a perpétué la forme et l’usage dans les productions de l’art moderne, bien qu’aucune opinion religieuse ou politique ne s’y trouve mêlée. La forme obéliscale et la forme pyramidale ont entr’elles quelques points de ressemblance qui ont contribué à les faire confondre, dans les emplois purement allégoriques qu’on en a souvent faits, en les appliquant à certaines compositions de la sculpture. Il est indubitable que les pyramides, en Égypte, furent des tombeaux ; les Romains firent aussi des tombeaux dans cette forme, témoin la pyramide de C. Cestius, à Rome. Si l’on ne peut pas connoître encore avec certitude l’emploi moral de l’obélisque, on peut toujours certifier que ce monument ne fut aucunement en rapport avec les usages des sépultures.

Lorsque des signes sont consacrés de toute ancienneté à l’expression de quelqu’idée, le goût enseigne à ne point les dénaturer par un mélange indiscret. Ainsi, l’on ne sauroit désapprouver qu’on ait fait entrer dans la composition des mausolées modernes la forme de pyramide, comme servant de fond aux objets représentés par la sculpture. La forme pyramidale est devenue en quelque sorte, dans l’écriture allégorique de cet art, l’hiéroglyphe de tombeau. Mais on a vu la forme obéliscale employée à la même fin dans plus d’une composition funéraire : or, on sent que ce ne peut être là qu’une méprise.

Un autre abus en ce genre, a consisté à mêler ensemble les deux types, de manière que l’objet n’est plus ni pyramide ni obélisque.

On doit dire que c’est le reproche qu’on peut faire à l’architecte Blondel dans la décoration de son arc triomphal de la porte Saint-Denis, Sont-ce des obélisques ou des pyramides manquées, qu’il a couvert d’ailleurs fort habilement de trophées ? C’est surtout dans les ouvrages qui se recommandent par de grandes beautés, et par la célébrité du nom de leur auteur, qu’il faut faire remarquer ces défauts de convenance, tant est contagieuse l’influence d’un mauvais exemple donné par un habile homme ; tant il est vrai que ce qu’on imite le plus facilement des grands hommes, c’est leurs défauts. Rien de plus important, en architecture surtout, que de respecter les significations de chaque forme.

Nous n’appliquerons point cette observation à l’usage assez répandu d’élever de petits obélisques comme monumens, ou de parade ou de reconnoissance dans les parcs, dans les points des forêts qui servent de réunion à plusieurs routes. La forme obéliscale a l’avantage de produire des monumens que leur procérité même rend propres à remplacer les colonnes isolées, qui deviennent souvent nécessaires à certains points de vue.

Il importe peu que l’obélisque, ainsi considéré