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Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/360

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trente-neuf ouvertures de face, sur une longueur de quatre cents pieds.

Combien il eût été à desirer que moins distrait par des soins multipliés, pur des travaux qui le forçoient d’être, si l’on peut dire, en plusieurs lieux à la fois, il eût pu suivre par lui-même et jusqu’à la sin cette vaste entreprise ! Les connoisseurs y distinguent les parties dont il dirigea personnellement l’exécution, et qui sont les treize premières arcades, dont encore on croit qu’il faut soustraire les trois qui forment le commencement de la bibliothèque, et qu’on attribue à Sansovino. Depuis on sait que le bâtiment fui dirigé par des constructeurs, hommes de métier plutôt qu’artistes, tels que François Bernardino, Marco della Carita et Balihazar Longhena. Aussi un œil attentif saisit-il, en suivant cette continuité d’arcades, des variations sensibles de goût dans les détails, et enfin une progression de négligence, qui annonce un déclin survenu dans la manière de faire les ornemens et de traiter les profils, bien qu’on ait fidèlement suivi les proportions et l’eurythmie du dessin général. Ces observations critiques, comme l’un voit, s’adressent à des circonstances indépendantes de l’auteur du monument, et ne sauroient altérer ni diminuer l’honneur qui lui est dû.

Après un aussi grand ouvrage, qui sans doute est le ches-d’œuvre de Scamozzi, il semble qu’il seroit assez inutile, du moins pour sa gloire, d’énumérer les nombreux édifices qu’il construisit dans le Vicentin, sur la Brenta et à Venise. On peut voir sinon des dessins rendus, au moins des esquisses de la plupart de ces constructions, telles que les palais Ferretti, Priuli et Godi, dans son ouvrage sur l’architecture. Partout ce sont des plans fort réguliers, des élévations sages, des ensembles élégans et variés, dans lesquels il s’est montré digne successeur de Palladio, mais sans qu’on puisse dire qu’il ait égalé ce grand maître, pour la pureté du goût, pour l’invention des plans, et la fécondité d’idées ingénieuses appropriées à chaque entreprise.

Scamozzi nourrissoit d’ailleurs plus d’une sorte d’ambition, et il est arrivé à beaucoup de ses projets d’être privés, dans leur exécution, de la surveillance de leur auteur. Avide de gloire et infatigable, il eût mieux aimé succomber sous le poids des commandes de travaux, qu’il recevoit de toute part, que d’en resuser une seule. A tant de soins et d’occupations, se joignoit le désir de publier son grand ouvrage de l’Architecture universale. C’étoit ou ce devoit être une sorte d’encyclopédie de l’art, où se seroient trouvés réunis, aux préceptes et aux règles, les exemples de tout ce que l’Europe d’alors renfermoit de monumens remarquables en tout genre. Une semblable entreprise seroit encore fort difficile aujourd’hui, que les rapports de communication entre les disférens Etats sont devenus plus, nombreux, et les moyens de


multiplier les dessins plus faciles. Scamozzi ne pouvait donc réaliser son projet, qu’en visitant personnellement les pays dont il vouloit faire connoître les édifices.

Dans cette vue, il cultivoit avec soin l’amitié des principaux sénateurs de Venise, que le Gouvernement choisissoit pour les ambassades qu’il envoyoit chez les dissérentes puissances. Ce fut à ces liaisons qu’il dut plus d une fois de faire, sans que ce fût a ses frais, de longs voyages dont la dépense eût été au-dessus de ses moyens. Plus d’un ambassadeur se plut à l’avoir pour compagnon de voyage, et à lui procurer ainsi, dans chaque pays, ‘ une sorte d’appui et de patronage utile aux recherches dont il avoit besoin. Il fit quatre voyages à Rome, deux à Naples, visita deux fois l’Allemagne, en revint la dernière fois par la Lorraine, vit la capitale de la France et retourna à Venise en tenant minutieusement, et jour par jour, registre de tout ce qu’il voyoit. Ce journal n’éloit pas seulement eu descriptions ; il renfermoit les dessins à la plume de tout ce qui entroit dans le projet de son vaste recueil, n’oubliant rien de ce qui a rapport à la diversité des matériaux, des procédés et des manières de bâtir.

Ses voyages contribuèrent encore à répandre de plus en plus la renommée de son talent hors de sa patrie. On lui demandoit de toute part des projets et des modèles de palais. Il nous en a laissé lui-même des dessins dans ses traités d’architecture. Mais il paroît que l’on ne fut pas toujours fidèle aux plans qu’il envoyait ; et l’on en trouve la preuve dans le palais de Robert Strozzi à Florence, où l’on se permit des changemens qui n’altérèrent pas médiocrement sa composition. On devroit retrouver à Gênes, mais on n’y reconnoît plus le beau modèle du palais Ravaschieri, dont il envoya de Venise tous les dessins, et qui eût été un de ses plus beaux ouvrages, à en juger par l’esquisse qu’il nous en a conservée. Il nous apprend lui-même qu’il cul fort à se plaindre de la manière dont on reconnut la peine qu’il s’étoit donnée.

Plus heureux à Bergame, il réussit, pendant le temps qu’il y séjourna, a faire élever, par l’ordre du podestat Jules Contarini, un des plus beaux palais qu’il ait composés, et qui est celui du gouvernement de cette ville. Il a 163 pieds, sur 111. Il se compose dans sa façade d’un ordre dorique a rez-de-chaussée surmonté d’un ionique, et le tout se termine par un attique. Le chevalier Fino, un des principaux et des plus riches personnages de Bergame, profita du séjour de Scamozzi dans cette ville, pour avoir de lui le projet d’un palais qui devoit occuper un très-bel emplacement. L’édifice d’après le dessin que son auteur nous en a transmis, a 188 pieds de face sur 93 de côté. Le plan en est grandement conçu, el avec autant da régularité que le site le permit. La façade a seize fenêtres de face, L’élévation consiste, en en un sou-