giques ou héroïques. Voilà pourquoi on ne voyoit pas au théâre Alcetste mourir dans sa chambre, mais bien eu avant de l’atrium du palais. Il eût été disconvenant de faire entrer les acteus (et surtout le chœur) dans l’appartement de la princesse. Cette sorte de sujétion nous explique beaucoup de choses dans la composition des drames antiques, et la conduite de ces drames, les conventions auxquelles ils paroissent avoir été subordonnés, nous sont voir que la sujétion des usages reçus, influa pour beaucoup sur les inventions des poètes.
De-là peut-être naquit encore chez les Grecs cette habitude du ne demander à leur imitation scénique, comme toutefois cela eut lieu dans les autres arts, qu’une vraisemblance de réalité imitative, je veux dire de cette illusion dont tant de personnes se font une fausse idée, en croyant que le point suprême de toute imitation doit être de tromper les sens, et de faire arriver l’objet imité à ce degré de ressemblance, qui opéreroit sa confusion avec l’objet imitable.
Lorsqu on examine ce point de théorie, dans la composition même et dans la récitation des drames anciens, on se persuade bientôt, et on reste convaincu, que ni le poëte ne croyoit devoir au spectateur, ni le spectateur n’exige oit du poëte, que la représentation scénique devînt un miroir, qui répétât la réalité, au point de faire croire à sa présence. Toutes sortes de détails nous prouvent, que selon l’esprit de l’art, on n’exigeoit point de l’imitation dramatique d’aller an-desà de celle d’un tableau (par exemple), dans lequel la peinture ne prétend, comme on le sait, qu’à une illusion conventionnelle. Ainsi de la seule récitation toujours mesurée, toujours accompagnée d’instrumens, on conclut, qu’il devait être bien plus difficile, qu’avec la déclamation libre, de se prêter à cette déception, qui donne au discours de l’acteur l’apparence d’une improvisation spontanée, et il eu étoit ainsi des accessoires qui, pour les yeux, concourent à l’illusion dramatique.
Metastasio a fait la même observation sur le matériel de la partie scénique du théâtre des Anciens. Il paroît avoir fort bien démontré que c’étoit au spectateur, à prendre, plus qu’on ne croit, la peine de se figurer les changemens de scènes, qui dans le cours de la pièce, étoient indiqués plus encore à l’esprit qu’aux yeux, et rendus moins sensibles qu’intelligibles. Ce qui signifie que c’étoit à l’imagination à compléter l’indication et à rachever l’illusion.
Tout ceci nom explique fort bien, ce me semble, la différence qu’on remarque dans le théâtre ancien et le théâtre moderne, sur le lieu de l’action scénique, sur l’endroit précis où se tenoient les acteurs, et où la représentation avoit lieu.
Dès qu’il n’entrait point dans les usages des Anciens, ainsi qu’en fait foi le plus grand nombre de leurs drames, de placer leur action dans des intérieurs, rarement ce qu’on appelle la décora-
tion scénique avoit à représenter autre chose que des vues de monumens, de places publiques, de façades de palais, d’extérieurs de maisons, ou de paysages et de sites agrestes.
Il nous pareît donc qu’avant qu’on eût construit dans les villes des théâtres en matières solides, je veux dire en pierre ou en marbre, l’usage ayant été de les faire en bois, ce qu’on appeloit la scène, c’est-à-dire cette grande devanture qui saisoit face à ce qu’on appeloit théâtre ou le lieu des spectateurs, ne fut aussi qu’une construction économique et temporaire. Il paroît bien vraisemblable qu’au temps d’Eschyle, par exemple, temps bien marqué par les commencemens de l’art dramatique, qui n’avoit consisté auparavant que dans le chœur, l’édifice d’Athènes, destiné à de semblables représentations, n’étoit qu’une édifice de charpente, et que ce qu’on appelle la scène ne put consister qu’en peinture figurant à peu de frais l’architecture. Je pense qu’un peut le conclure du passade même, dans lequel Vitruve nous dit que lorsqu Esshyle donnait (sans doute dans ses ouvrages) des leçons de tragédic docente tragœdiam, Agatarchus peignit pour lui une scène, scenam pinxit et à cette occasion composa un traité de perspective, qui fut suivi d’écrits faits par d’autres sur la même matière Or, le sujet de ce traité que Vitruve nous développe, n’est autre chose que l’art de mere en perspective, sur une surface plane, des édifices, avec des lointains, etc. D’où je pense qu’on doit insérer, que la scène ainsi peinte par Agatarchus, sur le mur ou la cloison qui faisoit face aux spectateurs, étoit une simple toile représentant, avec les couleurs et les lignes, ce nue depuis on fit, comme on va le voir, avec les plus somptueuses matières.
Lorsque, dans la suite, la richesse et le luxe eurent amené le besoin d’agrandir et d’embellir les monumens publics, chaque ville mit au nombre des constructions de première nécessité, si l’on peut dire, celle d’un théâtre solidement bâti, soit en pierre, soit en brique, soit en marbre, et cet édifice, destiné primitivement aux représentations scéniques, devint encore souvent un lieu public d’assemblée, pour les affaires politiques. Il fut donc naturel du réaliser en ordonnances d’architecture réelle, et avec la magnificence de l’art développé, les espèces de décorations, dont le seul pinceau avoit jusqu’alors fait les frais, et donné les modèles.
La scène (scena) devint alors une composition architecturale, qui n’ayant d’abord d’autre emploi que de servir de fond à la représentation, et au spectacle scénique, fut ensuite regardée comme devant contribuer hors des jeux dramatiques, à l’embellissement de l’intérieur du monument.
Il n’entre point dans notre sujet d’expliquer les parties de la scène, dans leur rapport avec la composition des pièces, avec le jeu des acteurs. Je me contente de dire, que cette devanture de-