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Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/426

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On voit combien sont collatérales ces deux notions. Il est reconnu qu’en général le mot mètre s’applique à la mesure de l’étendue dans les corps, et que te mot rythme, qui signifie nombre, s’applique à la mesure dans le temps. Ainsi, rien de plus facile que de prendre réciproquement, et ces notions, et leurs expressions, les unes pour les autres.

Cependant, puisqu’il y a deux mots, procédant, sans aucun doute, de deux variétés d’idées, c’est dans ces variétés que nous trouvons l’explication propre des mots composés eurythmie et symérie. Je dois même dire, avant tout, que si l’idée de nombre, dans eurythmie, semble continuë à l’idée de mesure dans symétrie (entendue comme proportion), cette idée de proportion ne sauroit être identique avec celle de rythme, soit dans la musique, soit dans la poésie, d’où très-certainement elle a été transportée dans l’architecture, ce qui indique déjà, que tout ne sera point réciproque entr’elles.

Mais définissons avec plus de détail le rythme en musique et en poésie. Qu’est-ce que le rythme dans ces deux arts ? C’est, avons-nous déjà dit, la mesure du temps. Et qu’est-ce à leur égard que le temps ? C’est le plus ou le moins de lenteur ou de vitesse, qu’on met à prononcer les sons ou les syllabes des mots. C’est ce qui produit, en poésie, ce qu’on appelle la quantité, et détermine les longues et les brèves. C’est, en musique, ce qui produit la longueur ou la brièveté des sons, ce qui détermine leurs successions, et en règle les intervalles.

Ainsi déjà nous apercevons en poésie la différence du rythme et du mètre. Les vers peuvent être à la fois rythmiques et métriques, et ils peuvent êlre métriques, sans être rythmiques. Ils ont le rythme et le mètre lorsqu’un ordre, un principe, une convention quelconque, ont réglé la lenteur ou la vitesse de prononciation de chaque syllabe dans une langue, et ensuite déterminé le nombre de pieds qui constituent leur mesure.

Si telle est la nature du rythme, et si telle est la nature du mètre, il est certain que la notion du rythme, qui règle l’ordre et la succession des sons et de leurs intervalles, est très-distincte de celle du mètre, qui ne fait que déterminer la mesure du vers, selon qu’il a plus ou moins de pieds, soit que ces pieds ne soient que des syllabes sans rythme réglé, comme en français, soit que ces pieds soient composés de groupes de syllabes, nécessairement longues ni brèves comme en latin.

Quant au rythme dans la musique, on a reconnu qu’il consiste dans un certain ordre, en vertu duquel le musicien, selon ce qu’il doit exprimer, accélère ou ralentit la durée des sous, règle leurs intervalles, et produit une succession de mouvemens variés.

Maintenant, s’il est indubitable que l’idée de rythme a été transportée de la musique dans l’ar-


chitecture, il nous faut chercher quelle sorte de ressemblance peut rapprocher l’effet des formes qui s’adressent aux yeux, de l’effet des sons propres aux plaisirs de l’oreille.

Il me paroît que dans cette assimilation, le rythme, à l’égard des yeux, sera un certain ordre, qui opérera sur les formes et les parties des corps, sur leur disposition, sur leur succession et leurs intervalles, un plaisir, du même genre, que celui du rythme musical à l’égard de l’oreille. La diversité d’emploi des formes de l’architecture, les combinaisons variées de leurs dimensions et des intervalles de leurs parties, l’entremêlement de leurs saillies, les effets de leurs oppositions, de leur répétition, de leur simplicité ou de leur richesse, beaucoup d’autres de ces rapports, tout-à-fait distincts de ceux de la symétrie (ou proportion), ne semblent-ils pas correspondre dans leurs impressions sur les yeux, aux rapports par lesquels le rythme musical et poétique produit ses impressions sur l’oreille ?

Or, ne seroit-ce pas là ce que Vitruve a entendu spécifier, par le mot eurythmie, qui signifie beauté de rythme ou rythme par excellence, dans l’article du chapitre 2, liv. Ier. , où il énnmère et définit toutes les qualités qui constituent l’architecture ? Voici ses paroles :

Eurythmia est venusta species, commodusque in compositionibus membrorum aspectus ; hœc efficitur, cum membra operis convenientia sunt altitudinis ad latitudinem, latitudinis ad longitudinem et ad summam omnia respondeant suœ symetriae.

Item symetria est ex ipsius membris conveniens consensus, ex partibusque separatis, ad universœ, figurœ speciem ratœ partis responsus, ut in hominis corpore, è cubito, pede, palmo, digito cœterisque partibus symetros est, sic est in operum perfèctionibus : et primum in œdibus sacris, ut è columnarum crassitudinibus aut è triglypho, etc.

« L’eurythmie est cette beauté sensible, cet agréable aspect que donne la disposition des membres d’un ouvrage d’architecture : ce qui a lieu, lorsque ces membres ont une heureuse correspondance entre leur hauteur et leur largeur, entre leur largeur et leur longueur, de manière à s’accorder avec l’effet de la proportion générale. » « Quant à la symétrie, c’est l’accord uniforme, entr’eux, des membres d’un ouvrage, et la corrélation de chaque partie avec le tout ; comme on le voit dans le corps humain, où il existe un semblable rapport entre le bras, le pied, le palme (la main), le doigt et les autres parties. Ainsi en est-il dans les ouvrages parfaits. Par exemple, dans les temples, le module se prend ou du diamètre de la colonne, ou du triglyphe, etc. »

Remarquons d’abord, que ces deux articles, se