d’oppositions ; et il les emploie, soit pour éviter une certaine monotonie dans l’aspect général d’un édifice, soit pour faire valoir et mieux apprécier certaines qualités, certains rapports, et produire sur les sens, comme sur l’esprit, une impression plus déterminée.
On peut, ce semble, réduire à deux espèces les moyens matériels de produire quelques oppositions dans les édifices. Les premiers pourront dépendre de la diversité des matériaux eux-mêmes, et de la variété qu’on mettra dans leur emploi ; les seconds procéderont d’un certain art de disposer et de ménager des objets d’une dimension subordonnée, pour faire d’autant briller la grandeur de l’objet qu’on veut rendre dominant.
Parmi les matières employées par l’architecture, il faut reconnoitre qu’il en est dont les substances, les couleurs, la manière de les entremêler, les variétés que le travail leur donne, procurent dans l’aspect, soit d’un seul corps de bâtiment, soit des corps séparés d’un grand ensemble, certains effets d’opposition propres à indiquer les degrés différens de simplicité, de variété ou de richesse que l’architecte veut faire ressortir.
Ainsi, des blocs laissés bruts, des pierres de taille rustiquées, donneront aux soubassemens d’un monument une apparence de massivité dont l’opposition fera paroitre plus élégantes les parties et les ordonnances supérieures. L’emploi de ce genre d’opposition entre les matériaux a quelquefois été porté plus loin. Il y a des exemples de plus d’un édifice, où l’architecture a fait entrer dans son appareil, des pierres tellement taillées et façonnées en forme de rochers, que leur opposition avec le reste de la construction semble avoir eu pour but, de donner l’idée d’un monument pratique et comme fondé sur des masses de rocs naturels. Tel est à Rome (peut-être dans un sens allégorique) le palais de justice à Monte-Citorio.
On sait que souvent, pour varier et rendre plus piquant l’aspect des façades d’un édifice, l’architecte met en opposition des superficies taillées en refend ou de bossage, avec les pilastres, les colonnes et d’autres objets qui, en se détachant sur un semblable fond, en recoivent un effet plus vif. Ainsi, à Rome, le temple de Mars vengeur se détachoit autrefois sur le fond de ce grand mur composé de bossages tres-saillans, dont il subsiste encore un beau reste au Campo-Vaccino à l’arc de Pantano.
Les mélanges de matériaux divers par leurs couleurs, comme le sont souvent la brique et la pierre, employés soit aux paremens, soit dans des, détails de la construction, fournissent encore quelques oppositions propres à faire mieux distinguer au milieu d’un grand assemblage de batimens le corps principal, de ses membres ou parties accessoires.
Enfin, si l’artiste met en œuvre dans quelque intérieur, ou la beauté des marbres de couleur, ou l’éclat des métaux précieux, ou les charmes de la peinture, le goût approuvera qu’il en fasse ressortir l’effet, en ménageant, dans la simplicité de ce qui précède ou accompagne ce local, une juste opposition. C’est aussi ce que l’on pratique volontiers dans les suites de pièces qui forment les appartemens d’un palais, en y graduant les ornemens et la richesse, de façon à faire mieux briller la décoration des pièces d’honneur ou de cérémonie.
On a mis au nombre des moyens matériels ou mécaniques d’opposition, en architecture, les effets de comparaison qui peuvent résulter de certaines diversités de mesure entre les objets ou les masses d’un édifice. Quoiqu’on ait avancé qu’il ne sauroit entrer dans les procédés réguliers de l’art, de faire contraster, comme par une sorte de jeu, les extrêmes de la grandeur et de la petitesse, et d’autres contraires semblables, on ne disconvient pas toutefois, que certaines oppositions concertées à dessein, dans les dimensions des parties d’un grand tout, pourront y produire l’effet qu’on en attend, surtout s’il ne paroit rien d’affecté dans ces rapprochemens, et si leur motif sort naturellement du sujet de la composition. C’est ainsi, et à ces conditions, que dans un vaste el colossal ensemble, des masses accessoires subordonnées, el déjà d’une assez grande dimension, seront mieux juger de la grandeur relative du corps principal. Ainsi, les petites coupoles qui, au dedans comme au dehors, servent d’accompagnement au dôme de Saint-Pierre, font, à son égard, l’effet d’une échelle de proportion, et le l’ont paroitre plus vaste qu’il ne paroitroit, sans ces points d’opposition.
Mais les vrais moyens d’opposition qui appartiennent moins au matériel qu’au moral de l’art, dans l’architecture, sont ceux qui naissent des combinaisons du génie de l’artiste. A cet égard, loin qu’on puisse méconnoitre l’existence des oppositions dans cet art, on pourroit plutôt affirmer que ses effets et ses impressions dépendent du secret même d’y opposer, tant en général dans l’ensemble, qu en détail dans chaque partie, les différentes qualités qui se font valoir l’une par l’autre.
Les seuls détails de la modénature ou de l’art de profiler, nous offrent les plus évidentes applications de l’art des oppositions. C’est la qu’on apprend que l’unité de caractère ne consiste pas à faire tout également fort, également délicat, également léger, également riche. Comme dans la musique, le fort et le doux, les mouvemens vifs ou lents doivent se succéder, sous peine de monotonie ; de même, quant a l’harmonie des lignes et des formes, le goût consiste à entremêler dans leur action, sur nos sens, de légères oppositions qui en corrigent l’uniformité. Ainsi les Grecs, dans leurs profils du caractère le plus mâle et le plus prononcé, ne manquèrent jamais d’intro-