ce qui rappeloit l’antique, étoit objet d’étude et d’émulation.
On peut dire à peu près la même chose du célèbre théâtre de Parme, construit environ l’an 1618, pour le duc Ranuccio Ier, par Jean-Baptiste Aleotti, savant architecte et ingénieur militaire. Sa construction en bois, comprise dans l’enceinte du palais ducal, offre encore par son plan, son élévation et sa vaste étendue, une image très-approximative du théâtre antique. Aleotti s’y conforma jusque pour la disposition de sa scène, qui rappelle dans sa façade, et dans chacun de ses retours, l’idée de la décoration architecturale des anciens, et jusqu’aux portes par lesquelles entroient ou sortoient les acteurs. Le théâtre se compose d’une suite de gradins en demi-cercle, à la manière antique, et au-dessus s’élèvent deux rangs de portiques, en arcades soutenues par des colonnes ; leurs piédroits sont ornés d’un ordre dorique, dans l’étage inférieur. La même disposition règne pour l’étage supérieur, dont l’ordre est ionique. Cas deux étages offrent de grandes et spacieuses loges, et au-dessus s’élève une balustrade ornée de statues, qui forme l’appui d’une galerie circulant tout à l’entour. Ce beau théâtre, devenu inutile, n’est conservé, et entretenu aujourd’hui, que comme un monument précieux du goût d’alors. Ce n’eu plus qu’une curiosité qu’on montre aux étrangers et aux amateurs de l’art.
En effet, dès que le goût des amusemens scéniques se fut répandu, les princes, qui seuls étoient en état d’en payer les dépenses, en firent pour eux un objet de luxe, qu’ils renfermèrent dans leurs palais ; et le théâtre au lieu d’être un monument public, ouvert à la multitude, devint une salle de spectacle nom qu’il a encore gardé depuis en français. Il ne fut plus question alors de cette dispendieuse construction, tant au dehors qu’au dedans, ni de ces vastes dimensions proportionnées á la population, pour laquelle les jeux de la scène étoient devenus un passe-temps habituel.
Bientôt la composition des pièces de théâtre devint une partie importante de la littérature de toutes les nations de l’Europe. C’est à l’histoire littéraire de ces nations, qu’il faut demander les renseignemens propres à faire connoître les variations, et les progrès du goût en ce genre. Quant á nous, nous ne pouvons que constater les causes qui influèrent sur les changemens, que devoit éprouver la construction des théâtres, et lui imprimer, chez les Modernes, des caractères si différens de ceux des édifices antiques.
Le goût du spectacle et de l’art scénique une fois propagé partout, et ayant pris place parmi les divertisse mens des classes élevées et instruites de la société, il se forma des entreprises particulières d’hommes, d’acteurs ri même de poëtes, qui, spéculant sur le besoin de distraction et de plaisir,
chez les habitans des grandes viles, firent des représentations dramatiques une de commerce, qui devint bientôt assez lucratif pour éveiller la concurrence. Rien ni de grand, ni de dispendieux, ni de magnifique, ne devoit résulter en fait de construction de théâtre, des spéculations intéressées, auxquelles les entrepreneurs de spectacle étoient forcés de soumettre leurs projets. Souvent ce n’étroit que des locaux vides, et ans emploi, qu’on mettoit à peu de frais en état le figurer pour un temps borné. Les troupes de médians, assez volontiers ambulantes, n’avoient besoin que d’emplacement provisoires et de salle temporaires. Lorsque ces troupes en vinrent á se fixer, elles s’établirent alors dans des demeures plus solides. Elles construisirent des salles plus spacieuse, plus commodes, mieux décorées, et avec des divisions de places, où les différences de rang el de fortune firent établir des prix proportionnés.
Telle fut pendant long-temps, et dans toute l’Europe, la destinée de l’art dramatique, et tel fut Je genre des lieux où il obtint ses plus grands succès : car il est a remarquer, que les chefsd’œuvre de cet art, au fond très-indépendant du luxe extérieur des ornemens de l’architecture, furent représentés dans des salles el des bâtiment, dont rien au dehors n’annonçait même l’existence, et que rien au dedans ne recommandait sous le rapport du goût et de la disposition. On peut affirmer qu’il en alla ainsi partout, jusque vers le milieu du dix-huitième siècle, lorsque le retour au style et aux pratiques de l’antiquité eut ramené l’attention publique, sur le singulier contraste qui régnoit entre les ouvrages qui honoraient avec le plus d’éclat le génie de chaque nation, el l’indifférence qui sembloit traiter cette sorte d’institution, comme peu digne d’attirer au dehors les regards du public.
On vit bientôt former des projets de théâtres en rapport, par leur importance extérieure et leur capacité intérieure, avec les monumens publics.
Cependant il ne pouvoit pas être donné aux Modernes de rivaliser en ce genre avec les peuples de l’antiquité. Les mœurs d’une part, de l’autre les habitudes théâtrales, le genre d’imitation scénique, et la manière de la déclamation, ne permirent pas de revenir aux formes et aux dispositions qu’avoient commandées et perpétuées, chez les Anciens, un tout autre ordre de besoins, d’idées, d’opinions et d’usages.
On voit d’abord que la gratuité des places pour les spectateurs, ne pouvant exister, qu’autant que les gouvernemens font les frais de ces monumens, et de leurs jeux, le théâtre moderne ne fut plus ouvert à la multitude, mais bien à ceux qui sérient en état d’en payer le plaisir. Dès-lors il ne fut plus possible d’établir cette uniformité des places, donnée par l’uniformité des gradins d’un vaste