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Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/573

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artistes, depuis la renaissance de l’art. Il accepta cette mission, et après en avoir fait comme une sorte d’essai, il le porta à Paul Giove. Celui-ci l’encouragea à y mettre la dernière main, reconnoissant lui-même son incapacité de traiter des matières, qui demandoient des connoissances tout-à-fait spéciales.

Il paroît que depuis cet instant, Vasari, au milieu de ses innombrables travaux, fut trouver, dans sa laborieuse activité, le temps qu’exigèrent les recherches multipliées auxquelles il dut se livrer. On a vu par les détails ci-dessus, que jamais artiste ne mena une vie plus agitée. Toutes sortes de commandes de travaux, l’avoient appelé dans le plus grand nombre des villes d’Italie. Il avoit eu ainsi l’occasion, non-seulement de récolter de nombreux renseignemens, sur toutes les écoles, sur tous les hommes distingués de chaque pays, mais en homme instruit et habile lui-même, il avoit su classer la plupart des talens, distinguer les manières de chacun. Il eut donc l’avantage de parler de ce qu’il avoit vu, et ses jugemens en général durent être ceux d’un connoisseur. Une fois livré à cette grande entreprise, il fut encore se procurer beaucoup de ressources par ses correspondances, et il nous apprend lui-même, qu’il mit à contribution les écrits, à la vérité alors en petit nombre, de ceux qui avoient publié quelques ouvrages sur les arts.

Quand on pense aux difficultés qu’il y eut alors de porter aussi loin que l’a fait Vasari, un pareil recueil, on ne sauroit assez admirer le courage qu’il eut d’achever ce travail. Depuis lui, et l’exemple une fois donné, on vit dans chaque ville d’Italie paroître des collections historiques sur les artistes et les ouvrages, dont une sorte de patriotisme se plut à propager la mémoire. Mais Vasari embrassa toute l’Italie, dans son plan, et y renferma l’histoire de trois siècles. Qui pourroit douter des imperfections, des méprises, des lacunes ou des omissions qui s’y trouvent ? Elles lui furent reprochées de son vivant, et la critique ne l’épargna pas.

La critique eut sans doute raison sur bien des points. Ce genre d’histoire se trouvoit être d’une nature toute particulière. Les matériaux en étoient disséminés sur une multitude de lieux. Nuls renseignemens écrits, des traditions souvent suspectes, beaucoup d’inexactitudes sur les noms mêmes des artistes, sur leur âge, sur leurs ouvrages. Toutes ces difficultés, et une multitude d’autres, auroient exigé, pour être entièrement résolues, l’assiduité de toute la vie d’un seul homme, en chaque endroit. Le laps des années avait encore opéré une foule de dégradations, de déplacemens et de changemens : conçoit-on qu’un homme, pour qui ce travail n’étoit qu’un accessoire, et si l’on peut dire Je délassement de ses autres travaux, ait pu porter à chacune des innombrables notices de son ouvrage, le


scrupule et le soin minutieux que chaque détail eût exigé ? Cependant il est certain, et qu’il se trouva de son temps, et qu’il s’est trouve même depuis, le seul homme en état de remplir cette tâche, tant il est difficile que la critique du goût, se réunisse chez un seul artiste à la capacité, à l’esprit de recherches, et à la faculté de rendre ou d’exprimer par le discours, les idées des arts du dessin, les jugemens de la science, et les décisions encore plus délicates du sentiment. Si Vasari n’eût pas fait cet ouvrage, il est probable qu’il n’auroit jamais été fait ; et peut-être tous ceux qui vinrent après, n’auroient jamais été entrepris.

Voilà pour la difficulté matérielle. Maintenant une difficulté plus grande encore étoit, non-seulement de porter des jugemens incontestables sur une multitude de variétés de sujets, de manières, de styles et d’ouvrages subordonnés à des causes si diverses, mais encore de satisfaire à toutes les préventions locales, à toutes les rivalités de pays, à tant de diversités d’amour-propre et de vanités particulières. Vasari ne put donc point échapper à un grand nombre de dissentimens. Tantôt il aura eu, selon les uns, le tort de vanter trop des ouvrages médiocres ; selon les autres, de trop rabaisser des talens supérieurs ; selon d’autres, de n’avoir pas eu dans l’emploi de ses formes laudatives, assez de mesures variées pour proportionner la louange à la mesure de chaque ouvrage. Cependant telle est la pauvreté de toutes les langues, en ce genre, qu’aucun écrivain n’a pu échapper à ce dernier reproche. Et quel langage pourroit jamais trouver autant de formes caractéristiques de ces variétés, qu’il en saudroît pour répondre aux nuances infinies, dont la nature est prodigue dans la répartition de ses dons ?

C’est ici que la critique est aussi facile que l’art est difficile. Pour justifier Vasari de presque tous les reproches de partialité, il suffit de lire les vies des hommes les plus célèbres dont les ouvrages sont aujourd’hui si bien connus, pour rester convaincu que, sur le talent de ces hommes, presque tous ses jugemens ont été ratifiés par impartialité des siècles suivans. Vasari fut accusé à Rome d’avoir voulu élever Michel-Ange au-dessus de Raphaël. Il nous a paru au contraire, qu’il avoit su tenir entre ces deux rivaux, la balance avec la plus rare impartialité.

Quant a ce qu’on peut appeler la facture de son ouvrage, c’est-à-dire l’ordre et la méthode, la concordance de tous les articles entr’eux, l’art du style, et le talent de l’écrivain, Vasari, en présentant son travail aux académiciens de Florence, a réfuté avec autant de sens, que de simplicité, les critiques qu’il avoit bien prévu devoir encourir. Il fait sentir qu’il est sort loin d’avoir prétendu à une perfection que la nature même des nombreux sujets qu’embrasse la matière, avoit rendue pres-qu’impossible ; que son ouvrage avoit été fait à des temps fort différens ; que malgré les soins infinis