la raison, ne doive pas se mettre au nombre de celles que les arts, et surtout celui de l’architecture, doivent réunir. Mais il arrive aussi dans ce genre comme dans tous les autres : toute qualité, lorsqu’elle est seule et devient exclusive, cesse bientôt de produite son effet. Or voilà ce que fait éprouver cette immense uniformité de la ville de Londres, où la même rue, la même façade de maisons, le même genre de construction semblent vous placer toujours dans le même lieu, en face de la même bâtisse ; où, à un très-petit nombre de monumens près, l’impression d’aucun art e se fait sentir ; où enfin, un triste et monotone niveau semble s’appesantir sur vous, de tout le poids de cet ennui qui (dit le poëte) naquit un jour de l’uniformité.
Il y a, comme on le voit, fort peu de conseils à donner en cette matière. Les villes, en effet, du moins presque toutes, se font d’elles-mêmes, et malgré quelques exemples de villes modernes construites d’après des plans donnés, il faut encore se garder de croire qu’une bonne distribution de rues et de quartiers, suffise à la beauté de celles qui auront eu l’avantage d’une semblable origine. Une multitude d’autres causes physiques, politiques, morales et accidentelles influent, d’une manière très-diverse, sur leur destinée. En parcourant donc ce que les exemples anciens ou modernes nous apprennent ou nous montrent à ce sujet, nous n’avous eu d’autre intention que de mettre certains faits bien connus, dont chacun peut tirer des conséquences, à la place de règles impossibles à établir, puisqu’elles seroient sans application probable au plus grand nombre des villes. Encore une fois, on peut dire par où et par quoi, et sous quel rapport une ville est belle. Mais une ville n’étant point, dans la réalité, un ouvrage qui suppose, soit un auteur, soit un modèle, soit un principe ou un régulateur constant, il ne sauroit se donner à cet égard une véritable théorie.
Cependant plus d’un architecte a exercé son imagination à créer une sorte de specimen ou de programme de ce qu’on pourroit appeler l’idéal d’une ville, où il s’est plu à rassembler tous les élémens d’où dépendroient les beautés de l’art, le choix des monumens, les commodités locales, et les convenances spéciales d’une bonne police.
Le plus célèbre essai de ce genre, est celui de l’architecte florentin Ammanati. Il composa un ouvrage considérable intitulé la citta ou la Ville, qui renferme les plans et les dessins de tous les grands édifices propres à embellir une cité, en commençant par des projets de portes. Viennent ensuite ceux des palais du prince, de l’hôtel-de-ville, etc. ; ceux des temples, des fontaines, de la bourse, des théâtres, des ponts, des places publiques. Cet ouvrage fut dispersé après lui et entièrement égaré pendant quelque temps. Une partie fut retrouvée, et alloit être débitée dans
une vente, sans être appréciée pour ce qu’elle valoit, et reconnue pour ce qu’elle étoit, lorsque le célèbre Viviani recueillit ces précieux fragmens, en leur restituant le nom de leur auteur. Ils passèrent de ses mains dans celles du sénateur Luigi de Riccio, amateur éclairé, qui les fit relier en deux volumes.
Quelques idées empruntées à certains projets de ce genre, compléteront ce qui nous paroît devoir suffire, dans un ouvrage de théorie, aux notions générales qu’il comporte.
Menant à part des avantages qui peuvent constituer la beauté d’une ville, celui que la nature des lieux peut seule lui donner, et qui consiste dans le site, l’exposition ou la forme des terrains sur lesquels elle sera bâtie, on peut réduire à trois les conditions que le goût exigera, et qui devront remplir tout ce qu’on doit desirer à cet égard. Ces trois points, d’où résulteront la beauté et la magnificence d’uneville, se rapportent donc à ce qui regarde : 1°. ses entrées, 2°. ses rues, 3°. ses édifices.
Rien d’abord ne donne une plus haute idée d’une ville que ce qui constitue ses abords et ses entrées. Si une ville est environnée de murailles, il conviendra que chacune de ses portes aboutisse, soit à une glande place, soit à quelque rue principale. Il seroit difficile de citer sur cet objet une plus belle entrée de ville que celle de Rome moderne par la voie Flaminienne. La porte qu’on appelle del Popolos’ouvre sur une vaste place, dont le centre est orné d’un obélisque égyptien et d’une fontaine. Trois grandes rues, formant la patte d’oie, s’ouvrent à la vue du spectateur. Deux coupoles, avec un péristyle en colonnes, s’adossent à chacune des deux pointes formées par la réunion dis trois rues qui débouchent sur la place. Cette entrée a été, depuis quelques années, rendue, et plus régulière dans son ensemble, et singulièrement améliorée par les travaux de terrasse qu’on y a pratiqués. Voilà une de ces beautés d’entrée de ville, qu’il n’est permis que de faire remarquer, sans qu’on puisse en prescrire l’imitation.
Si toutes les villes n’ont point reçu des causes antécédentes, la possibilité d’un semblable développement, toujours peut-il être facile d’y pratiquer, soit des portes plus ou moins décorées d’architecture, soit des dispositions régulières dans les constructions qui environnent leurs entrées, soit même des espèces de portes en arc de triomphe, comme on en voit à beaucoup de villes antiques murées, et qui offroient deux ouvertures, l’une pour ceux qui entroient, l’autre pour ceux qui sortoient.
Les entrées d’une ville, surtout si elle n’est pas murée, peuvent toujours devenir la place la plus convenable à certains monumens honorifiques. Il seroit convenable encore, que des avenues plantées d’arbres annonçassent la porte d’entrée ; mais