rien qui porte évidemment le caractère de palais, ou du moins d’habitations conformes à ce qu’on voit ailleurs.
Les temps les plus anciens de la Grèce sont ceux où ce pays fut, dans tous ses petits Etats, gouverné par des rois. Les poëmes d’Homère en font foi, et c’est encore là que nous trouvons les premières indications ou descriptions de palais. Quand on voudroit supposer que le poëte eût été lui-même l’architecte des palais qu’il décrit, il n’en seroit pas moins vrai qu’il en auroit puisé l’idée dans les modèles qu’il avoit sous les yeux. Le palais de Priam est décrit dans le sixième chant de l’Iliade, comme un édifice vaste, dont la partie inférieure étoit composée de portiques en pierres et de galeries couvertes, au-dessus desquelles il y avoit cinquante chambres richement décorées, habitées par les cinquante fils de Priam. En face de cet édifice, dit le poëte, et dans l’intérieur de la cour, il y en avoit un autre bâti et pierres, et où l’on comptoit douze belles chambres pour les filles du Roi. Paris, qui est représenté comme ayant des connoissances en architecture, avoit fait venir à Troye plusieurs architectes, pour lui bâtir un palais. Cet édifice fut construit entre le palais de Priam et celui d’Hector.
La description du palais d’Alcinotis par Homère, toute fabuleuse qu’on puisse la supposer, quant aux détails de décoration, n’en est pas moins un témoignage irrécusable du goût régnant au temps du poëte, et de l’usage reçu de porter le plus grand luxe dans les habitations des princes.
Il est bien vraisemblable, et l’on doit croire que, lorsque le régime démocratique se fut établi dans les différentes parties de la Grèce, le luxe de chacune de ces républiques fut plutôt appliqué à l’architecture des temples et des établissemens publics, que dirigé vers la construction des palais ou des maisons particulières. L’état républicain ne convenant qu’à de petits territoires, n’a ordinairement que des revenus bornés, et sans quelque cause extraordinaire, on ne sauroit s’y livrer à ces grandes entreprises qui, en fait de palais, ne peuvent appartenir qu’aux gouvernemens monarchiques ou aristocratiques.
C’est ce que Démasthènes nous fait bien entendre dans sa harangue contre Aristocrate, en comparant l’état ancien des mœurs d’Athènes, à celui de son temps : « Jadis (dit-il) la république étoit riche et florissante, lorsque nul particulier ne s’élevoit au-dessus du peuple. Ceux qui connoissent la maison de Thémistocle, celle de Miltiade et des autres grands-hommes de ce temps-là, voient que rien ne les distingue des maisons ordinaires (alors aussi les édifices publics étoient si beaux, qu’il n’y a point de moyen d’enchérir sur leur magnificence). De nos jours, au contraire, l’opulence des particuliers qui se mêlent des affaires de l’Etat est portée à un point, qu’ils se sont bâti des maisons qui surpassent en beauté nos grands édifices. Quant aux ouvrages que la ville fait construire, ils sont si modiques et si misérables, que j’aurois honte d’en parler. »
On ne sauroit mieux montrer combien le gouvernement démocratique s’oppose à la construction des palais. Athènes touchoit alors aux derniers jours de la république.
Rome républicaine ne connut point le luxe des palais : nous ne le concluons point de ce que les Romains n’employèrent d’autre mot que le mot domus, maison, à exprimer toutes les sortes d’habitations ; car ils le donnoient aussi à de véritables palais, comme on le verra. Avant les conquêtes qui introduisirent dans la république la richesse et le goût de l’ostentation, une grande simplicité de mœurs, une sorte de rusticité produite par la vie agricole, d’une part, et les habitudes militaires de l’autre, s’accommodèrent d’habitations où il eût été, non-seulement inconvenant, mais dangereux d’affecter une certaine supériorité.
Mais Rome en vint bientôt à ce point de réunir les deux conditions les plus favorables au luxe des palais ; savoir, celles de l’aristocratie et celles de la monarchie. Dès que la guerre, les conquêtes et l’esprit de rapine, effet et cause à son tour de la manie de conquérir, eurent fait passer dans les mains des généraux d’armée, et des gouverneurs de provinces, la fortune des peuples et les trésors des princes, on vit des citoyens égaler leurs habitations à celles des rois. L’élément aristocratique, d’ailleurs, qui forme le fond du gouvernement de Rome, avoit habitué les esprits à reconnoitre dans les familles des supériorités et des droits aux honneurs et aux dignités, qui veulent se manifester par des signes extérieurs, et l’histoire nous fournit de nombreuses preuves de l’inégalité des habitations, avant l’époque qui vit expirer la république.
On trouve chez Cicéron des notions assez instructives à cet égard, soit dans les mentions qu’il fait des habitations de quelques-uns de ses contemporains, soit dans ce qu’il rapporte de ses propres maisons, où nous voyons que l’emploi des colonnes et tout le luxe des statues, des galeries et des ornemens avoient déjà cours d’une manière remarquable ; et il s’en falloit que Cicéron, d’une famille nouvelle et d’une fortune médiocre, pour son temps, pût entrer en comparaison avec les Pompée, les Sylla, les Crassus et les Lucullus, dont la magnificence, en fait de palais, devoit l’emporter sur celle d’un parvenu.
Cependant il paroît que ce n’éloit encore que le prélude de ce que le règne des empereurs devoit opérer. Auguste disoit qu’il avoit trouvé Rome bâtie d’argile (c’est-à-dire en briques) et qu’il la laissoit toute de marbre. Ce fut effectivement