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conservation, tant la propreté et l’agrément des intérieurs dépendent des préparations du peintre en bâtiment.

Tous les détails de cette partie pratique de la peinture se trouvent aux articles Décoration, Enduit, etc., et aux mots qui expriment les divers objets auxquels l’application des couleurs est nécessaire, tels que Lambris, Plafonds, etc.

Nous ne dirons plus que deux mots, sur les différens genres de peinture qui, sous le rapport seul de leur nature, ou de leur procédé technique, entrent dans les besoins de l’art de bâtir, et les plaisirs de la décoration. Ces genres de peinture se distinguent par les noms suivans.

Peinture. — en camaïeu est celle où l’on n’emploie qu’une ou deux couleurs sur un fond d’une autre couleur, et quelquefois doré. On l’appelle grisaille lorsqu’elle consiste en une seule couleur grise.

en clair-obscur — est celle où l’on ne met en œuvre que du noir et du blanc. On en use ordinairement pour peindre dans la décoration, des figures ou des bas-reliefs, en manière de marbre blanc ou de pierre.

à détrempe. On donne ce nom à la peinture qui emploie les couleurs détrempées avec de l’eau et un peu de gomme ou de colle : on s’en sert sur le plâtre, le bois, les peaux, la toile et le papier. C’est de cette manière qu’on peint les décorations de théâtre, des fêtes publiques, et ces tentures de papier qui ont remplacé depuis plusieurs années le travail du pinceau, dans la décoration des intérieurs de maison.

à fresque. On appelle ainsi celle qu’on exécute sur des murs fraîchement enduits d’un mortier fait de chaux et de sable, avec des couleurs détrempées à l’eau et préparées exprès. Cette sorte de peinture est des plus solides, et elle peut être employée dans les endroits exposés à l’air.

à l’huile — est celle où les couleurs qu’on emploie, ont été broyées et mêlées avec des huiles plus ou moins siccatives. La peinture à l’huile est celle dont on use le plus souvent dans les intérieurs des maisons, sur les bois, les lambris, etc.

On comprend que nous n’avons dû faire ici aucune mention de bien d’autres genres de peintures, comme celles qu’on nomme en émail, au pastel, en miniature, etc., qui sont tout-à-fait étrangères à l’architecture.

PELLEGRINO (Tibaldi), né en 1522, mort en 1592. Il fut surnommé Tibaldi, parce que son père, qui étoit un maçon, s’appeloit communément maître Tibaldo. Il fut d’abord peintre, et fit dans la peinture de tels progrès, que les Carraches l’appeloient un Michel Angelo riformato : ce qui signifie que Pellegrino avoit dans sa manière adouci la fierté du destin Michel Angesque, et avoit su y joindre une couleur plus naturelle, et un ton de chair plus vrai. Mais ce ne fut pas sans de grands efforts qu’il parvint à cette supériorité : il paroît avoir eu long-temps à lutter contre l’adverse fortune. On raconte qu’Octavien Mascherino le rencontra un jour dans les environs de Rome, près de la Porta Portese, en proie à un tel désespoir de son peu de succès dans la peinture, qu’il étoit résolu de se laisser mourir de faim. Mascherino l’en dissuada (peut-être sans beaucoup de peine), et lui conseilla de s’adonner à l’architecture.

Ainsi Pellegrino embrassa ce nouvel art, où il devint en peu de temps si habile, et s’acquit une telle réputation, qu’il fut chargé de la grande construction de la grande cathédrale de Milan, et ingénieur en chef du duché de ce nom.

L’église cathédrale de Milan fut commencée en 1387, sous le duc Jean-Galéas Visconti. Ce fut un certain Henri Zamodia ou Gamodia, architecte allemand, qui en donna le plan. D’autres veulent que le premier auteur de ce vaste édifice ait été Caporale, commentateur des cinq premiers livres de Vitruve, le même qui a fait la Chartreuse de Pavie. Si on ne fait attention qu’à l’étendue de cette église, à la beauté des marbres qui la décorent, à la quantité des sculptures de tout genre, on peut la comparer aux plus célèbres monumens de l’Europe moderne. Mais si on examine le tout dans le sens de l’art, et avec les yeux de l’artiste, on trouve que ce grand ensemble manque du génie de l’invention. On n’y voit ni forme décidée, ni correspondance entre les parties, ni une véritable connexion de celles-ci avec le tout. Les membres de ce vaste corps sont foibles, las détails en sont des découpures : ce n’est au fait qu’une montagne de marbres évidée, un amas de matières transportées à grands frais, et placées les unes à côté des autres, sans goût et sans aucun ordre.

On ne nous apprend point que Pellegrino y ait fait d’autre chose, que le dessin de son pavé, qui passe pour un fort bel ouvrage, et le projet de sa façade qui fut approuvé par S. Charles Boromée. Elle est d’un goût qui tient une sorte de milieu entre ce qu’on appelle le gothique, et ce qu’il faut appeler te style antique.

Pellegrino eut pour associé et pour rival dans la construction de l’église de Milan, Martin Bassi, qui le combattit sur plusieurs points, entr’autres sur la disposition d’un certain bas-relief qui devoit être placé au-dessus de la porte du nord, sur le baptistère de l’église, etc. Ces controverses ont donné lieu à plus d’une consultation, où intervinrent Palladio, Vignola, Vasari et Bertani. Martin Bassi, qui paroît avoir eu l’avantage, publia à cette occasion un écrit intitulé Dispareri in materia d’architettura e di prospettiya, c’est-à-dire, dispute sur différens sujets d’architecture et de perspective.