Page:Encyclopédie méthodique - Art militaire, T2, P2, FOR-GRA.djvu/204

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604 GRA GRE tivées par le besoin de dédommager un officier ou un bas-officier, des pertes qu'il a faites, ou des dépenses extraordinaires qui lui ont été oc- casionnées par les commissions particulières dont on l'a chargé. Les gratifications annuelles /pendant la paix, ne font guères accordées qu'à d'anciens guerriers qui ont bien mérité de l'état s & à qui on veut donner dans leurs vieux jours le moyen de se procurer les secours dont ils peuvent avoir besoin. Rien de plus juste en foi-même que ces gratifications; il n'y a que leur nom que je voudrois changer; le mot de gratification est en françois le fynonime de don ou de grace, & dans l'état militaire tout devroitréveiller l'idée de juflice. Je donnerois donc a ces gratifications un nom qui dît aux ministres ; ne les accordez qu'à celui qui les a méritées par de longs &. de bons services ; aux militaires, c'est une récompense & non une grâce; & aux citoyens, c'est une detteque l'état paye & qu'il paye pour vous. Nos principes sur les gratifications pendant la guerre font les mêmes que sur les gratifications pen- dant la paix; jamais elles ne devroient être données pour récompenser une atrion valeureuse ou utile, elles devroient être réservées pour servir de dédom- magement aux pertes & aux dépenses extraordi- naires; un officier est blessé, il court longtemps d'hô- pital en hôpital, donnez-lui une forte gratification cela est juite : il a perdu ses équipages, mettez-le dans le cas d'en avoir d'autres, cela eSt juste encore: il a fait beaucoup plus de recrues qu'il n'étoit obligé d'en faire, 6c il a dépensé plus d'ar- gent qu'il n'en a reçu pour cet objet, vous lui devez un dédommagement: ces circonfiances & quelques autres semblables font les feules où les officiers doivent toucher des gratifications. Toutes les fois qu'on récompense avec de l'argent, on avilit & la récompense & celui qui la reçoit; on éteint le sentiment de la gloire & de l'honneur. Je tranche le mot, tout corps d'officier qui calcule trop est mauvais. Il n'en eSt pas tout-àfait de même de celui des soldats & des basofficiers. Jusqu'au moment où une éducation morale aura transformé leurs ames 3 ce que nous ne verrons peut - être jamais; c'est avec des gratifications en argent, en denrées ou effets, qu'on pourra les consoler de leurs peines, & leur faire entreprendre avec plaisir &. exécuter avec joie les travaux les plus grands & les plus périlleux; je sçais bien qu'on a vu quelquefois des soldats François refuser l'argent qu'on leur offroit pour les récompenser des actions glorieuses qu'ils avoient faites; mais ces exemples infiniment rares ne font point capables de détruire la règle générale que je viens de poser. Après une attion chaude dont les fuites auront été heureuses, donnez à vos soldats en gratifica- tion une double ration de vin, de viande ou de légumes; faites valoir cette gratification par quel- ques éloges; joignez-y quelque argent pour les plus valeureux, & vous les entendrez touts dé- mander à grands cris une nouvelle occasion de se signaler. Après une marche longue & pénibley avez-vous à faire encore une longue traite, donnez à chacun d'eux une paire de souliers, ils oublieront qu'ils ont les pieds enflés &. écorchés, ils repar- tiront avec gaieté, car ce n'étoit ni les douleurs, ni les fatigues qui les touchoient le plus, & qui leur donnoit cet air trifle & abattu, c'étoit l'échec que leur chauiTure avoit essuyé. On dit sans cesse que la paye du soldat Fran- çois est trop foible ; je l'ai dit comme les au- tres , parce que j'ai cru m'en appercevoir; je III proposerai cependant point de l'augmenter : si les revenus de l'état permettoient de taire quel- ques sacrifices en faveur des soldats, ceneieroit point en paye fixe qu'on devroit les leur offrir , mais en gratifications; ces gratifications pourroient, pendant la paix, tomber sur les régiments qui au- roient fait de longues marches, de grandes ma- nœuvres, ou qui auroient porté la discipline , la tenue & l'inftruâion au plus haut degré; & pen- dant la guerre, sur ceux qui auroient montré le plus de valeur, de confiance, &c.; le grand art leroit de les distribuer à propos & de les propor- tionner au mérite des individus & des corps. Augmentez aujourd'hui la paye de l'armée, l'an- née prochaine la dépense fera montée en propor- tion de l'accromementde revenu, & bientôt on sollicitera une nouvelle augmentation. Distribuez, au contraire, chaque année de paix trois ou quatre cents livres parmi les bas-officiers d'un régiment, 7 à 8co livres parmi les soldats; doublez, tri- plez ou quadruplezces gratifications pendant la guerre, &. ces 10mmes légères vous produiront des retours bien plus grands qu'une augmentation de solde très considérable, & Sur-tout que des gratifications accordées aux officiers. Car, je dois le répéter en finissant cet article, les gratifications que reçoivent les officiers font très dispendieuses pour l'état, & loin de lui procurer des avantages, elles font pour lui la source d'une infinité de maux. ( C. ). GRENADIER. Soldat d'élite, rexemple & l'honneur de l'infanterie. La création des grenadiers dans l'infanterie Fran- çoise est de l'année 1667. L'objet de leur institution étoit de se porter en avant pour escarmoucher 6c jetter des grenades parmi les troupes ennemies, afin d'y mettre le désordre au moment d'une ao tion. C'efi de ce service primitif qu'est dérivé leur nom. Les armés à la légère dans la - légion Ro- maine , & les ribauds dans les troupes de nos, apeiens rois, faisoient à-peu-près le même service que les grenadiers dans nos armées. Toutes les puissances de l'Europe ont des grt- nadiers; quelques princes en ont même des corps entiers. Nous n'examinerons ici ni leur forme, ni leur établifiement; notre objet est de faire con- noître leur service dans les troupes de France. Louis XIV, en établit d'abord quatre par com-