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le sol jusqu'à la profondeur de quatre pieds, si on ne peut pas facilement se procurer de l’eau pour arroser, parce que la terre ainsi profondément retournée, conserve la fraîcheur pendant plus long-tems. Je demanderois à ces auteurs s'ils pensent de bonne foi que cette terre se soutiendra toujours ainsi soulevée ; si, petit à petit elle ne se plombera pas, & si une fois plombée elle conservera plus de fraîcheur qu'auparavant ? Je crois au contraire qu'il y aura plus d'évaporation, & par conséquent, que les effets de la sécheresse se manifesteront bien plus vîte. Sans la quantité d'eau convenable pour les arrosemens, il faut renoncer à toute espèce de grand légumier, à moins que l'on n'habite un pays où les pluies soient très-fréquentes pendant l'été, & en outre, un pays où la chaleur soit très-tempérée dans cette saison.

J'ai dit plus haut que le sol des tranchées devoit être défoncé à la profondeur de trois pieds, mais c'est dans le cas qu'on plante des arbres fruitiers dans le légumier ; autrement la tranchée de deux pieds de profondeur est très-suffisante, parce qu'on ne çonnoît point de légumes à racine pivotante, qui plongent au-delà de ce terme. A quoi sert donc de multiplier la dépense, & d'enfouir au fond de la tranchée de trois pieds la terre de la superficie qui ne reverra jamais le jour, & qui devient inutile à la nourriture des plantes ?

Si la fouille a été faite immédiatement avant l'hiver, il est à propos de couvrir le sol avec du fumier bien consommé, afin que les pluies, les neiges la détrempent & imbibent la terre de sa graisse. Si au contraire, la fouille a été faite pendant l’hiver, il convient d'enterrer le fumier à quelques pouces de profondeur, afin que l'ardeur du soleil & le courant d'air ne détruisent & ne fassent pas évaporer ses principes vivifîans. Ce qu'on vient de dire suppose qu'on n'a pas la puérile envie de jouir du terrain aussi-tôt après que le travail est fini. Il faut que la terre de dessous, ramenée à la superficie, ait eu le tems d'être travaillée & pénétrée par les météores. On éloigne, il est vrai, le moment de jouir, mais on jouit ensuite bien plus sûrement.

Jusqu'à présent tout a été du ressort des manœuvres des journaliers ; ici commence le travail du jardinier. Il soudivise ses quarreaux en tables ou planches, & dispose le local des petits sentiers de séparation. Si le jardin doit être arrosé par irrigation, il trace le plan des rigoles & celui des plate-bandes ; en un mot, il prépare le terrain pour recevoir des plans enracinés, ou les semences.

Le simple jardin ne demande aucune étude ; des quarreaux plus ou moins allongés sont tour ce qu'il exige. C'est la commodité, la facilité


dans le service, dans l’arrosement, le transport du fumier qu'il faut se procurer par-dessus tout ; enfin ne rien négliger de ce qui tend à simplifier le travail & à diminuer les frais de main-d'œuvre. C'est-là le premier bénéfice.

Il me reste encore une question à examiner. Les fouilles ou tranchées plus ou moins profondes sont-elles indispensables dans tous les cas lorsqu'il s'agit de créer un jardin ? Elles sont très-utiles en général, mais elles ne sont pas d'une nécessité absolue.

Cette distinction tient à la qualité du sol ; en effet, si la couche de terre est par elle-même profonde, meublée, riche, si elle ne retient pas trop d'eau, à quoi serviront les grandes tranchées ? Si le sol est naturellement composé d'un sol gras & fertile, les fouilles le rendront d'un côté plus perméable à l’eau, & de l’autre plus susceptible d'évaporation. Les fouilles ont pour but de faciliter le pivotement & l’extension des racines, & dans les deux cas cités, rien ne s'oppose à leur développement. Les grandes fouilles sont donc très-inutiles : il suffit avant de tracer le jardin, d'égaliser le terrain à la charrue, afin d'enlever les broussailles, les touffes d'herbe, & de passer ensuite la herse sur deux labours croisés, afin de niveler & d'égaler le terrain. On parviendra par cette méthode à tracer facilement les allées, & la plus légère raie les dessinera & les séparera à l'œil, du sol destiné à former les quarreaux, les plates-bandes, &c. Le plan une fois tracé, arrêté & fixé par différens piquets, il ne s'agit plus que de bien former la superficie, & de donner un fort coup de bêche pour l’enterrer.

Du tems de semer.

Fixer une époque générale pour les semailles, c'est établir l’erreur la plus décidée, ou bien il faut se contenter d'écrire pour un canton isolé, & encore doit-on subordonner à la manière d'être des saisons, les préceptes que l’on donne.

Cependant comme on ne peut traiter ici de tous les cantons de la république en particulier, on se contentera d'envisager les deux extrémités, celle du midi & du nord, comme les deux qui sont les plus opposées. Les particuliers dont les jardins s'éloignent des extrémités de l'un ou l'autre climat, modifieront l’époque des semailles en raison de leur éloignement, & sur-tout en raison des abris que la parure leur fournit.

Lille en Flandre & Paris ont des exemples pour le nord, Marseille & Béziers pour le midi. Les deux ** indiquent qu'il faut semer sur couche & sous cloche pour le climat de Paris seulement. La couche & la grande paille, au besoin, suffisent pour l'autre. La seule * marque que la graine demande à être semée dans un lieu bien abrité ; le reste sans * en pleine terre.


Art aratoire.

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