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PLU RAC 181


sieurs brasses de profondeur, à moins qu'on ne les coupe ou qu'on ne les rompe, soit de dessein prémédité, soit par accident ; car alors elles changent de direction. C'est une observation qu'on a eu l’occasion de faire bien des fois, mais principalement en élevant des plantes dans de l'eau bien pure.

Les racines pivotantes poussent des rameaux qui s'étendent horisontalement ; & ces rameaux sont d'autant plus vigoureux qu'ils sont moins profonds en terre ; de sorte que les plus forts le trouvent à la superficie dans cette épaisseur de terre qui est remuée par la charrue.

Ce sont là les racines rampantes. Elles s'éloignent quelquefois assez considérablement de la plante qui les a produites ; mais alors, elles deviennent si fines, qu'elles échappent à la vue, sur-tout quand elles ont pris la couleur de la terre qui les environne, ce qui arrive ordinairement.

Une carotte, par exemple, qui ne paroît avoir qu'une grosse racine en navet, garnie de quelques filamens, jette néanmoins, suivant Tull, ses racines à une distance considérable ; mais elles sont si déliées qu'on ne peut les distinguer de la terre qui les couvre, à moins qu'on n'y fasse beaucoup d'attention. Il en est de même de presque toutes les plantes. Pour s'en convaincre, l’on peut faire l’expérience suivante que cet auteur propose.

Il faut choisir un champ qui n'ait pas été labouré depuis long-tems, & y bêcher un espace de terre triangulaire A B D C, qui ait vingt brasses de longueur de A en D, douze pieds de largeur de B en G, & que cet espace se termine en pointe du côté A. Ensuite il faut semer dans la longueur A D vingt graines de ces gros navets qu'on appelle des rabes, & avoir soin de labourer fréquemment cet espace de terre. Quand les navets seront parvenus à leur grosseur, si l’on observe que celui qui est à la pointe A est le plus petit, & que les autres grossissent toujours de plus en plus en s'approchant de E, où le champ labouré a quatre pieds de largeur, on pourra conclure que les racines de ces navets se seront étendues à deux pieds de distance ; & si les navets sont à peu près d'une égale grosseur depuis E jusqu'à P, on aura lieu de croire que leurs racines ne se seront pas étendues au-delà de deux pieds.

C'est une façon très-commode de connoître à quelle distance une sorte de plante peut étendre ses racines dans une terre labourée, qui est la plus favorable à leur extension. Voici comment on s'en est assuré. En examinant celles d'une haie fossoyée, on a vu qu'après avoir passé par-dessous le fossé, elles remontoient pour


se distribuer dans la terre de la superficie qui étoit labourée.

J'ai fait la même observation sur une allée d'ormes qui pensa périr, parce qu'on avoit fait à une petite distance un grand fossé, dans l'intention d'empêcher les racines d'endommager une pièce de terre ; mais les ormes jetèrent des racines dans la terre qui s'étoit écoulée dans le fossé ; ces racines remontèrent de l'autre côté du fossé pour se distribuer dans la terre labourée, & bientôt les ormes reprirent leur première vigueur.

J'ai encore remarqué que si, à une petite distancé d'un jeune orme, on faisoit une tranchée,. En la remplissant de bonne terre, les racines de cet orme prenoient la direction de cette tranchée, & y devenoient fort longues.

De plus, quand on a planté des arbres trop avant en terre, ils languissent jusqu'à ce que leurs racines étant remontées vers la superficie, aient atteint l'épaisseur de terre qui est remuée par les labours ; mais souvent, il vaut mieux les arracher pour les planter plus à la superficie.

Toutes ces observations prouvent que les racines s'étendent fort loin, sur-tout quand elles rencontrent une terre remuée. Cela est assez naturel. Les feuilles sont les organes de la transpiration, & les racines, ceux de la faction de la sève. Or il est nécessaire qu'il y ait plus de sève aspirée qu'il ne s'en dissipe par la transpiration. Si maintenant, on fait attention à l'énorme surrface des feuilles, & à la grande étendue des organes de la transpiration, on sera disposé à croire que les racines, ou les organes de la suction se procurent par leur grande étendue en longueur, des surfaces au moins aussi considérables que celles des feuilles.

Ce raisonnement exige une petite restriction. Les feuilles qui transpirent pendant la chaleur, aspirent la nuit l'humidité des pluies & des rosées ; & il est très-bien prouvé que cette aspiration contribue beaucoup à la nourriture des plantes. D'ailleurs il n'y a point d'expérience, qui prouve que la transpiration & la suction se fassent en raison des surfaces, & il pourroit arriver qu'un pouce de surface des racines aspireroit plus de sève qu'un pouce de surface des feuilles ne laisseroit échapper de transpiration. Il est pourtant vrai que les racines courent beaucoup ; car de même que les veines lactées des animaux ont leur ouverture dans les intestins pour sucer le chyle, les plantes ont les ouvertures de leurs vaisseaux lactés, ou plutôt de leurs vaisseaux à sève à la superficie de leurs racines. Mais les animaux vont chercher leur nourriture, & ils en remplissent leur estomac & leurs intestins ; au lieu que les racines sont obli-