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rer les terres. Virgile condamne les labours faits pendant les chaleurs de l’été & pendant l'hiver, comme étant très-nuisibles à la fertilité : le tems le plus favorable, selon lui, étoit lorsque la neige fondue commençoit à couler des montagnes. La saison des labours dépendoit encore de la qualité des terres. Le même auteur prescrivoit de labourer après l'hyver un sol gras & fort, afin que les guérets fussent mûris par les chaleurs de l'été ; quand, au contraire, il étoit léger, sabloneux ou friable, il prétendoit qu'il falloit attendre l’automne pour le labourer.

Columelle n'était pas du sentiment de Virgile ; il vouloit, au contraire, qu'une terre forte, sujette à retenir l’eau, fût labourée à la fin de l'année, pour détruire plus facilement les mauvaises plantes.

Les anciens agronomes ont ignoré la méthode de cultiver les plantes annuelles pendant leur végétation : toute leur culture, à cet égard, se réduit au sarclage ; à faire paître par les moutons, les sommités des fromens trop forts en herbe, avant l'hiver ; à répandre du fumier en poussière lorsqu'ils n'avoient pas pu fumer leurs terres avant de les ensemencer.

Des engrais. Les anciens croyoient rendre raison de la cause de la stérilité d'une terre autrefois fertile, en disant qu'elle vieillissoit. Parmi eux, quelques-uns avoient imaginé que, dans cet état de vieillesse, elle étoit incapable de donner des productions comme auparavant. C'étoit le sentiment de Trémellius ; il comparoit une terre nouvellement défrichée à une jeune femme qui cesse d'enfanter à mesure qu'elle avance en âge. Columelle s'élève fortement contre cette opinion capable de décourager le cultivateur : une terre, suivant lui, ne cesse jamais de produire par cause de vieillesse ou d'épuisement, mais parce qu'elle est négligée.

La méthode de bonifier les terres par le moyen des engrais, est presque aussi ancienne que l’art de cultiver. Tous les auteurs agronomes prescrivent, cette pratique comme très-propre à augmenter la fertilité de la terre, & capable d'empêcher son dépérissement. L'histoire de la Chine nous apprend que Yu, le premier empereur des Yao, fit un ouvrage sur l’agriculture, dans lequel il parloit de l’usage des excrémens de différens animaux. La méthode de les améliorer en les fumant, d'arrêter leur dépérissement ; de prévenir la décomposition du terreau, si nécessaire à la végétation, s'est établie successivement : dès qu'on s'est apperçu qu'un champ, après plusieurs récoltes, cessoit d'en produire d'aussi abondantes, on a eu recours aux engrais pour lui rendre sa première fertilité. Pline assuroit que l'usage de fumer les terres étoit très-ancien : dans son dix-septième livre, chapitre IX [VI], il dit que, selon Homère, le vieux roi Laertes fumoit son champ lui-même. Le fumier fut d'abord employé en Grèce par Augias, roi d'Elide : Hercule, après l’avoir détrôné, apporta cette découverte en Italie, où l'on fit un Dieu du roi Stercutus, fils de Faunus.

Dans le détail des engrais, Virgile recommande principalement les fèves, les lupins, la vesce : il est persuadé que le froment vient avec succès après la récolte de ces sortes de grains capables de bonifier la terre, loin de l’épuiser, comme seroient d'autres espèces de légumes. Les chaumes brûlés après la moisson sont encore, suivant son opinion, très-propres à fumer les terres, parce que leurs cendres y laissent de nouveaux principes de fertilité.

Columelle distingue trois sortes d'engrais, dont l'usage lui avait paru le plus capable de bonifier les terres ; 1°. les excrémens des oiseaux, 2°. ceux des hommes, 3°. ceux du bétail : la fiente du pigeon étoit, selon lui, le meilleur ; ensuite celle de la volaille, excepté celle des canards & des oies. En employant les excrémens humains, il avoit soin de les mêler avec d'autres engrais ; sans cette précaution, leur grande chaleur auroit été nuisible à la végétation. Il se servoit de l’urine croupie pendant six mois, pour arroser les arbres & les vignes ; le fruit qu'ils donnoient ensuite en grande abondance, étoit d'un goût excellent. Parmi les fumiers des bestiaux, Columelle préféroit celui des ânes à tout autre ; celui des brebis & des chèvres, à la litière des chevaux & des bœufs : il proscrivoit absolument le fumier des cochons, dont plusieurs agriculteurs de son tems faisoient usage.

Varron employoit avec succès le fumier ramassé dans les volières des grives : les anciens, très-friands de cette espèce d'oiseaux, les nourrissoient pour les engraisser, comme on fait aujourd'hui des ortolans ; cette sorte d'engrais étoit répandue principalement sur les pâturages dont l'herbe étoit ensuite très-bonne pour engraisser promptement le bétail. Caton, afin de bonifier les terres, y faisoit semer des lupins, des fèves, ou des raves ; il employoit aussi le fumier du bétail des fermes, sur-tout lorsque la litière des chevaux, des bœufs, étoit faite avec les longues pailles de froment, de fèves, de lupins, ou avec des feuilles d'yeuse, de ciguë, & en général, avec toutes les herbes qui croissent dans les saussaies & les marais.

Pour fertiliser les terres froides & humides des plaines de Mégare, les Grecs employoient la marne, nommée, selon lui, argille blanche. Dans la Bretagne & dans la Gaule, cet engrais étoit aussi connu & employé ; ce n'étoit qu’après le