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les pierres qui composent ce dernier doivent nuire à la liaison intime du mortier.

Enfin, il paroît que le peu de solidité du mortier des modernes, vient du peu de soin que l’on prend pour le gâcher ; ce qui fait que le sable ne se mêle qu’imparfaitement à la chaux.

M. Shaw, célèbre voyageur anglois, observe que les habitans de Tunis & des côtes de Barbarie, bâtissent de nos jours avec la même solidité que les Carthaginois. Le mortier qu’ils emploient est composé d’une partie de sable, de deux parties de cendres de bois, & de trois parties de chaux.

On passe ces trois substances au tamis, on les mêle bien exactement, on les humecte avec de l’eau, & on gâche ce mélange pendant trois jours & trois nuits consécutives, sans interruption, pour que le tout s’incorpore parfaitement ; &, pendant ce temps, on humecte alternativement le mélange avec de l’eau & avec de l’huile : on continue à remuer le tout jusqu’à ce qu’il devienne parfaitement homogène & compacte. Voyez Ciment ou mortier à bâtir, tome I de ce Dictionn. des Arts, pag. 668.

Du Plâtre.

Le plâtre vient d’une pierre qui a une propriété très-avantageuse dans les bâtimens. Cette pierre étant cuite, se suffit à elle-même ; &, avec un peu d’eau, s’endurcit & fait corps sans aucun secours. La principale vertu qu’il acquiert par le feu, est non-seulement de se lier lui même, mais aussi de lier ensemble tous les corps qu’il approche, & de s’unir intimement à eux en très-peu de temps. La promptitude de son action le rend si essentiel & si nécessaire, qu’on ne peut trouver de matière plus utile, & qu’on ne peut, pour ainsi dire, s’en passer ni le remplacer dans la construction.

La pierre propre à faire le plâtre se trouve, comme les autres, dans le sein de la terre, se calcine au feu, blanchit & se réduit en poudre après sa cuisson.

Il en est de trois sortes ; la première, d’un jaune luisant, transparente & feuilletée, est parfaite ; étant cuite, elle devient très-blanche ; & employée, le plâtre en est si fin, beau & luisant, qu’on le réserve pour les figures & ornemens de sculpture, ainsi que pour les modèles. La deuxième, blanche & remplie de veines transparentes & luisantes, est très-bonne. La troisième, plus grise, est préférée par les Chaufourniers, comme moins dure à cuire.

Il y a des provinces où elle est très-rare, & d’autres où elle est très-commune. Les carrières de Montmartre, de Belleville, de Charonne, de Meudon, de Châtillon, d’Anet sur Marne, & autres lieux qui en fournissent à Paris & dans les environs, sont très-abondantes.

La manière de faire cuire la pierre à plâtre, consiste à lui communiquer une chaleur capable de la dessécher peu à peu, & de faire évaporer l’humidité qu’elle renferme.

Pour y parvenir, il faut arranger les pierres dans le fourneau, & en former plusieurs voûtes, assez près les unes des autres pour contenir autant de foyers ; approcher près d’elles d’abord les plus grosses, ensuite les moyennes, & enfin les petites, jusqu’à une certaine élévation ; ensorte que la chaleur ait toujours une action égale & proportionnée à leur volume.

Il faut faire attention que le plâtre soit assez cuit, & point trop ; car, d’un côté il n’a pas pris assez de qualité, & est aride & sans liaison ; & de l’autre il a perdu ce que les ouvriers appellent l’amour du plâtre.

On le connoît aisément à son onctuosité, & lorsqu’en le maniant on y sent une espèce de graisse qui s’attache aux doigts, la seule qualité qui le fasse prendre, durcir promptement, & faire bonne liaison.

Le plâtre, une fois cuit, doit être pulvérisé & employé aussitôt ; sans quoi le soleil l’échauffe & le fait fermenter, l’humidité en diminue la force, l’air en dissipe les esprits, & il devient mou & sans onction ; ce qu’on appelle éventé.

Lorsqu’on ne peut l’employer sur le champ ; comme dans les pays où il est fort cher, on le conserve encore long-temps bon dans des tonneaux bien fermés, placés dans des lieux secs & à l’abri des ardeurs du soleil.

Si, pour quelques ouvrages de conséquence, on avoit besoin de plâtre de la meilleure qualité possible & parfaitement cuit, il faudroit pour lors choisir dans le fourneau le meilleur & le mieux cuit, & le mettre à part avant que les chaufourniers aient mêlé & confondu le tout ensemble, suivant leur coutume.

Le plâtre se vend 11 à 12 livres le muid, contenant vingt-sept pieds cubes en trente-six sacs, rendu sur l’atelier.

Pour employer le plâtre, on le délaie, ce qu’on appelle gâcher, avec de l’eau seulement à peu près par égale portion, plus ou moins cependant, suivant les occasions.

On met dans l’auge d’abord la quantité d’eau nécessaire, ensuite le plâtre par pellée, l’étendant peu à peu & promptement jusqu’à ce qu’il joigne la surface de l’eau ; ensuite on le remue avec la truelle & on le broie parfaitement, jusqu’à ce qu’il soit humecté par-tout également. Lorsque les ouvrages exigent une certaine solidité, & que le plâtre prend promptement, on y met peu d’eau, ce qu’on appelle gâcher serré ; on l’emploie alors par truellée, le jetant à poignée sur les murs & y passant la truelle par dessus.

Lorsque ces ouvrages exigent des précautions & que pour cela le plâtre prend lentement, on met un peu d’eau, ce qu’on appelle gâcher clair ; on l’emploie aussi par truellée & poignée : alors, étant long à s’endurcir, il laisse le temps de faire l’ouvrage suivant les sujétions nécessaires.