Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/383

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h dlftrîbutîon affedée des ombres 8c des lumières. En vain prétendroit-on que c’eft la machine : au fond ce n’eft que du défotdie, & une fuite certaine de l’embarras du fculpteur & du peu d’aftion de fon fujet fur fon ame. Plus les efforts que l’on fait pour nous émouvoir font à découvert, moins nous femmes émus. D’oil il faut conclure , que moins l’artille emploie de moyens à produire un effet , plus il a de mérite à le produire , & plus le fpeflateur fe livre volontiers àrimpreflion qu’on a voulu faire fur lui. C’efl par la fimplicité de ces moyens que les chefs-d’œuvre de la Grèce ont été créés, comme pour fervir éternellement de modèles aux artiftes.

j^ fculpmre embraffe moin ; d’objets que la peinture-, mais ceux qu’elle fe propofe, & qui font communs aux deux arts , font des plus difficiles à repréfenter ; favoir , Texpreffion , la fcience des contours, l’art" difficile de draper & de diftinguer les différentes efpèces d’étoffes. ji. fculpture a des difficultés qui lui font particulières, l". Un fculpteur n’eft difpenfé d’aucune partie de fon étude à la faveur des ombres, des fuyans, des tournans & des raccourcis. 2°. S’il a bien compofé & bien rendu une vue de ’fon ouvrage, il n’a fatisfait qu’à une partie de fon opération ; puifque cet ouvrage a autant de points de vue qu’il y a de points dans l’efpace ’qui l’environne ( i ),

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(i) Cette vérité fimple fut pouffée loin par quelques Mtiftes ; elle occaiîonna même un fophifme en peinture affez ridicule. Des fcu !pteurs prétendoient qu’une ftatue feu’.e , qui fait voir plulîeurs attitudes en tournant autour de l’ouvrage , prouve que la fculpmre furpaife la peinture. Que ces fculpteurs-là raifonnoient puiiTarament ! Ciorgione prérendoit lui, que la peinture l’emporte à cet éoard fur la fculpture , puifque fans changer de place , 8c d’un leul coup-d’œil , on voit dans un tableau tous les afpeâs & les differens mouvenicns que peut faire un honuue. Le Gitrgione n’avoit jufques là que deux petits torts ; celui de ne pas voir qu il s’agiffoit d’une feule fioure , ôc celui d’oublier les bas-reliefs. Mais il alla plus loin ; il prétendit que le peintre peut montrer à la fois , & d’une feule vue , les differens côtés d’une même & feu’e figure. Voici comment O s’y prit pour le j prouver & pour convaincie fcs adverfaires. i U peignit un homme nud , vu par le dos ; devant ’ V lui, une eau tres-limpide préfentoit, par fa réverbé-V ration , le devant de la figure : une cuirafle polie V montroit , d’une part , le coté gauche ; de l’autre , un

» miroir faifoit voir le coté droit. Très-belle imagi-

[ » nation qui prouvoit en effet , que la peintuie a plus ’ •» de moyens que z fculpture j pour montrer dans une ï » feule vue , toutes celles du naturel. On applaudit, on j ! » loua ûnguliercment cet ouvrage , a caufe de fon adreffe [ » Jugenieufe «. (Vafari, Vita di Giorgione.) l On ne nous dit pas fi cet onvrage , avec fon adrejfc ’ inginieufc , fut regardé comme une bonne preuve. Je laiffe au letteur a juger jufqu’ou la prévention peut mener le fens commun , même chez les hommes qui doivent particulièrement connoitre l’objet des queftions qu’Us agitent. Je voudrois auffi pouvoir excufer fhiftoir lien de cette idée cieufe ; mais j’en ignore le moyen ,

  • . Un -fculpteur doit avoir l’imagination

aulFi forte qu’un Peintre, je ne dis pas aufli abondante. Il lui faut de plus, une ténacité dans le génie qui le mette an-deffus du dégoût que lui occafionnent le méchanifme, la fatigue & la lenteur de fes opérations. Le génie ne s’acquiert point ; il fe développe, s’étend & fe fortifie par l’exercice. Un- fculpteur exerce Je fien moins fouvent qu’un Peintre : difficulté de plus, puifque , dans un ouvrage àe fcuLpture , il doit y avoir du génie, comme dans un ouvrage de peinture.

° Le fculpteur étant privé du charme féduifant delà couleur, quelle intelligence ne doit-il pas y avoir dans fes moyens pour attirer l’attention !

Pour la fixer, quelle précifion, quelle 

vérité, quel choix d’expreffion ne doit-il pas mettre dans fes ouvrages !

L’ouvrage du fculpteur n’étant le plus fouvent compofë que d’une feule figure, dans laquelle il ne lui eft pas foffible de réunir les différentes caufes cjui produifent l’intérêt dans un tableau ; on doit exiger de lui non feulement l’intérêt qui réfulte du tout enfemble , mais encore celui de chacune des parties de cetenfemble. La peinture, indépentlamment de la variété des couleurs, intéreffe par les differens groupes, les attributs, les ornemens, les exprelïïons de plufieurs perfonnages qui concourent au fujet ; elle intérefie par les fonds, par le lieu de la fcene, par l’effet général : en un mot, elle en impofe par la totalité. Mais le fculpteur n’a le plus fouvent qu’un mot à dire ; il faut que ce mot foit énergique : C’eft par-là puifqu’il ne la défapprouve pas , & que cette eau , ce miroir , cette cuiraffe , ne l’avertiflent point. Il ne me refte que deux partis à prendre ; celui de jetter mes papiers au feu , ou celnl de trembler pour mon propre compte , fur la débilité de notre raifon. Mais pourtant je ne voudrois pas , comme M. Laugier , avancer que » la perfeftion du deffin fait l’unique « mérite de la fculpture ; que le fculpteur a beau étu- )> dier la préciCon & l’élégance de fes contours, à peine » peut-il jamais faire iliulion fur la dureté & la roideuï » des matières dont il eft obligé de faite ufage «. ( Voyez Manière de bien juger des ouvrages de peinture , p. 248. ) Si j’avois raifonne ainll de la fculpture, 8c qu’on me montrât un modèle brûlant d’expreffion , Se dont la matière , flexible fous le pouce ou l’ebauchoic de l’artifte , ne me donneroit aucune idée de roideur ou de dureté ; iî on me plaçoir vis-à-vis du Laocoon ou de l’Apollon , & qu’on me demandât fi mon ame n’eu frappée d’aucune illuûon , fi ces objets font de la fculpture ou n’en font pas ; j’aurois quelque honte d’avoir produit un tel jugement. C’eft en eiïet celui d’une ame froide , qui copie philoftrate , ou deux ou trois modernes qui ne s’entendent pas mieux que lui en fculpture : car en copiant, on met neceffairemrnt da bon & du mauvais dans un livre , & , quand on a de l’efprit , ou fait tout paffer chez des lecieurs inattenti ; s, ou igiiQxans, QU vains, ou légers, (iVoM dt I’Am’ teuT. )