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fait briller le charme de sa couleur naturelle. Le chapeau dont elle est coëffée, autorise ces accidens, & ce qu'on voit, attachant justement le regard, fait connoitre ce que l'ombre nous cache.

Les accidens favorables à la Peinture, semblent rares dans la nature, & ne le sont point dans les imaginations fécondes. On pourroit étendre aux circonstances morales ce que j'ai borné dans cet article aux accidens physiques. Les passions sont intarissables en accidens de tous les genres.

Ce sont les mines précieuses où le Génie puise ses plus intéressantes richesses ; & sans lui, tous les trésors des Arts restent enfouis ou sont mal employés.

ACCORD (subst. masc.) L' accord d'un tableau est l'effet général & satisfaisant qui résulte principalement de la disposition des couleurs, du choix qu'en fait l'Artiste, de leur dégradation & de l'harmonie du clair-obscur combinée avec celle du coloris.

Le Peintre dispose du coloris de son tableau, ainsi que des objets qu'il y place. Il doit avoir déterminé dans son imagination l' accord qu'il veut effectuer, avant de commencer son ouvrage. Pour suivre cette détermination qu'il a prise, il consulte la nature, il assigne aux nuances l'ordre qui leur convient, premièrement, d'après celui des plans sur lesquels il suppose chaque objet & même chaque partie de ces objets.

Secondement, d'après la lumière & les différentes privations du jour que ces objets & leurs parties reçoivent & éprouvent, en supposant un foyer déterminé.

Ces notions qui se retrouveront nécessairement avec différens détails dans plusieurs articles de ce Dictionnaire, peuvent donner une première idée générale des différentes combinaisons d'où résulte l'accord dans un ouvrage de Peinture.

Il eft d'une extrême difficulté sans doute que le Peintre remplisse exactement tout ce qu'un parfait accord exige de lui ; mais il est peut-être plus difficile encore que son ouvrage soit, à cet égard, parfaitement jugé, sur-tout si la composition n'est pas extrêmement simple.

La réminiscence, ou la comparaison immédiate de la nature avec l'imitation, pourroit, il est vrai, conduire à porter un jugement assez exact ; mais il faut que cette réminiscence soit récente, ou très-fidèle ; & dans la comparaison immédiate, il faut que les objets réels se trouvent exposés aux regards de celui qui veut la juger dans la même position & au même jour où ils ont été imités par l'Artiste. Pour peu que les circonstances de la composition se trouvent compliquées, on conçoit aisément que le Peintre ne peut rassembler tous les objets qu'il a eu dessein d'imiter,


ni pour les peindre ensemble, ni pour les offrir à ses Juges, comme base de leur décision.

D'après ces réflexions, l' accord général de presque tous les tableaux & sur-tout de ceux d' Histoire, est fondé sur des réminiscences de l'Artiste, & sur les soins qu'il prend de se conformer, autant qu'il lui est possible, à la vérité de couleur de chaque objet, à la dégradation perspective & au clair-obscur, c'est-à-dire, aux loix de la lumière.

On pourroit donc avancer à la rigueur qu'il n'y a pas un tableau, principalement un tableau d' Histoire, qui pût soutenir la confrontation avec la nature, supposé qu'elle fût possible. On conçoit, en effet, que si le sujet d'un tableau exige que la scène soit en plein air, ou au milieu des eaux, s'il est composé de figures allégoriques, il n'est plus de modèle naturel pour le Peintre, il n'est plus de comparaison immédiate pour les Juges ; il n'est même pas de réminiscence réelle, & la seule vrai-semblance pittoresque, appuyée sur les effets connus de la lumière, peut guider par approximation le Peintre, relativement à l'accord qu'on exige dans ses ouvrages.

Il ne résulte cependant pas de ce que je viens d'avancer avec une franchise un peu sévère, que les compositions dont il est question, ne puissent offrir un accord suffisant & qui satisfasse ceux qui les considèrent.

L'intelligence de toutes les parties de l'Art, les connoissances acquises par les observations continuelles des Artistes, la fidélité de la mémoire locale, la force de l'imagination, les études plus ou moins partielles que se procurent & que font les Peintres ; enfin, un sentiment habituel de cet accord qui, dans la nature, se présente sans cesse à leurs yeux, les conduisent à l'imiter & à accorder un tableau de manière que s'ils ne sont pas en droit de prononcer : « Ceci est précisément l' accord de la nature. » Au moins peuvent-ils dire : « D'après la disposition de mes objets, le foyer de ma lumière, les interpositions que j'ai établies, les plans que je suppose, l' accord de mon tableau est aussi vraisemblablement exact qu'il le peut être ; » & cette assertion n'est pas ordinairement contredite, sur-tout si les yeux de ceux qui regardent l'ouvrage ne sont blessés par aucune opposition trop brusque de tons ou d'effets & de lumières.

Cette dernière observation conduit à une conséquence intéressante, c'est qu'il peut y avoir un accord satisfaisant pour les yeux dans un ouvrage de Peinture, sans qu'il soit bien conforme à celui que la nature offriroit, parce que l'organe physique ne demande premièrement que de n'être pas blessé. On en conclut aisément que le coloris foible & le coloris vigoureux ne comportent pas moins l'un que l'autre un juste accord, comme des instrumens de musique peuvent être accordés sur des diapazons plus hauts ou plus bas.