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l’Auteur, se complaisant en son talent, insiste trop sur une nuance de sentiment ou d’affection, l’Acteur, embarrassé de ses mouvemens & de son attitude, ne saura comment en prolonger l’expression. Si les nuances sont trop décousues & trop brusques, ses mouvemens, ses attitudes seront, malgré lui, trop agités : dans le premier cas, il restera trop en attitude ; dans l’autre, il en changera trop vîte, & la nature, qui ne procède pas ordinairement ainsi, en souffrira, comme l’intérêt qui est fondé sur elle.

Ces objets ne me paroissent pas avoir encore été observés & discutés comme ils mériteroient de l’être. Les grands Acteurs, s’ils n’étoient trop souvent occupés de préjugés & de prétentions personnelles, pourroient, par de judicieuses & modestes observations éclairer sur cette matière les Auteurs mêmes les plus distingués, & ils y gagneroient les uns & les autres.

Le mot attitude en Peinture, auquel je dois revenir, signifie encore, dans un sens plus circonscrit, la position que le Peintre de portrait adopte pour représenter ceux qu’il peint, ou que ceux-ci se choisissent eux-mêmes.

Je parlerai de cette acception particulière dans l’article PORTRAIT ; mais je me permettrai d’avance quelques observations.

Le mot attitude est quelquefois pris dans un sens ironique, parce que la plupart des attitudes que choisissent particulièrement ceux qui se font peindre, ou que demandent quelquefois les Artistes eux-mêmes, ont une gêne & une affectation qui paroissent ridicules ou choquantes.

C’est d’après cela vrai-semblablement qu’un homme qui, dans la société, prend un maintien médité par la vanité, ou par quelque prétention, fait dire de lui qu’il est en attitude.

Un des moyens de combattre ce ridicule est la bonne Comédie, parce qu’en même temps que l’Auteur fait parler à ses personnages le langage des ridicules & des foiblesses qu’il leur suppose, il donne lieu aux Comédiens, qui représentent ces personnages, d’imiter aussi les mouvemens, les gestes, le maintien & les attitudes qui leur sont propres, de manière à exciter la dérision.

Un préservatif que la Peinture de son côté pourroit fournir, seroit des suites d’ingénieuses caricatures, à l’usage de ceux qui font faire leur portrait avec prétention. On y représenteroit des attitudes, dont une légère exagération rendroit le ridicule frappant.

On verroit l’important dans la méditation la plus profonde & comme accablé de tous les objets dont il se fait entourer dans son portrait, pour fonder sa considération ; l’homme qui desire qu’on lui donne l’empreinte du génie, dans une agitation qui tient du délire ; le sensible, comme un sybarite efféminé ; l’homme gai, comme s’il étoit yvre ; le moindre homme de loi, comme un grand Magistrat, & les Employés subalternes dans


des attitudes de Ministres. Je ne me permets pas d’étendre cette idée de caricature jusqu’aux femmes.

La plupart de leurs foiblesses ou de leurs ridicules ne doivent nous permettre que le sourire & non la dérision, d’autant que nous contribuons trop souvent aux erreurs de leur esprit, pour avoir le droit d’être sévères.

Le mot attitude convient encore particulièrement à la danse, comme étant liée à la pantomime ; mais si ce dernier art étoit établi plus qu’il ne l’est parmi nous, le terme d’attitude lui deviendroit absolument propre & indispensable. Il entreroit nécessairement dans son langage, parce qu’il se formeroit un systême raisonné de positions & une nomenclature de signes dont le nom général seroit attitude.

Je ne puis me refuser d’ajouter que si cela arrive, cet art nuira d’autant plus à la Peinture qu’il aura plus de succès ; car l’art de la Pantomime étant plus difficile à exercer dans une certaine perfection que la Comédie même, il y aura bien peu d’Acteurs de ce genre qui puissent servir de modèles aux Peintres, & cependant les Artistes se laisseront entraîner à les étudier, à cause des applaudissemens que le Public leur prodiguera.

Jeunes Artistes, plus exposés à ces dangers, parce que les réflexions n’ont pas encore mûri votre jugement, & que par les relations qui existent naturellement entre tous les Beaux-Arts, vous devez aimer les Spectacles, cherchez toujours à copier la Nature de la première main ; elle vous offrira des attitudes vraies, & les Acteurs, les Danseurs, vos Modèles même les plus dociles ne vous offriront la plupart que des attitudes fausses, génées, ou affectées. Peut-être si vous vous imposiez à vous-même l’attitude que vous cherchez, en vous regardant dans une glace, rencontreriez-vous plus juste, en supposant que votre ame flexible fût susceptible d’impressions que l’intérêt de votre Art rendroit plus expressives.

Au reste, entre plusieurs attitudes, que vous regardez comme convenables au sujet que vous traitez, choisissez toujours les plus simples.

L’Art, dans sa naissance, commence par des attitudes simples, mais représentées avec une vérité souvent séche, quelquefois pauvre ou mesquine. L’Art, plus avancé dans ses progrès, cherche à éviter ces défauts par le mouvement, le piquant & la force. L’Art, dans son degré le plus parfait, s’apperçoit que le mouvement conduit par degré à l’exagéré, comme le piquant à l’invraisemblable & la force à l’outré. Il revient alors sur lui-même, si les mœurs & les opinions ne s’y opposent pas. Il redemande la simplicité, mais choisie, guidée par la justesse de l’expression, dirigée par le goût, c’est-à-dire, par le sentiment fin des convenances, & embellie par la naïveté & la grace.