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que les procédés physiques des Arts auxquels ils président, fussent aussi rapides que leurs propres opérations.

La gravure en manière noire, dont je viens de donner une idée, approche, par ses effets, du dessin au lavis. La gravure à la pointe approche plus effectivement encore de la manière de dessiner à la plume. Aussi voit-on des destins lavés qu’on prend pour des estampes à la manière noire, & des estampes gravées avec la pointe, qu’on croiroit des dessins faits à la plume.

Il seroit bien à propos, dans un moment où le nombre de ceux qui parlent des Arts se multiplie (on le peut dire) avec excès, que les discoureurs eussent au moins des idées précises des différentes manières d’opérer des Dessinateurs, des Peintres, des Graveurs, &c. Ces notions sont faciles à acquérir, & ne sont point dénuées d’amusement & d’intérêt. Il ne s’agit que de voir opérer les différens Artistes qui, la plupart, ne se refusent pas au desir qu’on leur marque. Il seroit moins commun alors d’entendre appeler, par exemple, gravures à la manière noire, des estampes, par la seule raison qu’elles sont très-colorées & souvent poussées effectivement au noir, soit par l’intérêt d’en tirer plus d’épreuves, soit par un systême faux sur ce qu’on doit appeler réellement l’effet. Les estampes les plus colorées de Rembrant, qu’on ne manque guère de désigner comme étant gravées en manière noire, ne sont travaillées qu’à l’eau-forte & à la pointe, quelquefois retouchées par le burin ; & c’est par ce moyen que quelques-unes, telle que celle qu’on appelle le Bourguemestre Six, sont portées au clair-obscur le plus étendu, par les nuances dégradées depuis le blanc pur jusqu’au noir velouté, & ces effets ne sont produits qu’à l’aide des différentes pointes & des aspérités bien ménagées que ces pointes laissent sur le cuivre. Il est facile de se convaincre de ce fait à l’aide de la loupe, & les épreuves que j’ai faites, en gravant un assez grand nombre de planches dans cette manière, m’en ont convaincu.

Je m’étendrai sur cet objet, & je donnerai, dans le second Dictionnaire, aux articles qui comportent ces explications, quelques procédés que j’ai employés.

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BIENSÉANCE, (subst. fém.) La bienséance en Peinture & dans tous les Beaux-Arts, fait partie de ce qu’on doit entendre plus généralement par le mot convenance.

La conformité au costume est pour les Peintres une loi de convenance, & cette loi n’a que des rapports particuliers aux idées que nous avons de la bienséance. Je ne parlerai donc ici que de ce qui appartient plus particulièrement à la bien-


séance, & je m’étendrai davantage au mot Convenance.

Ce qui sied bien est l’idée primitive du mot dont il est question dans cet article. Ce terme n’emportoit pas vraisemblablement, lorsqu’on a commencé à s’en servir, autant d’importance qu’on lui en a donné depuis. En effet, dans la signification qu’il a aujourd’hui, il exprime un devoir, & les idées de ce devoir se joignent à celles de la pudeur, de la modestie, de la sagesse & de la raison.

On appelle mal-séant non-seulement ce qui nous va mal, relativement à notre âge, à notre état ou à notre figure ; mais la mal-séance s’étend encore plus souvent aux démarches, aux discours, aux gestes, aux actions qui nous déparent. La bienséance tient, par des rapports qu’il est facile de sentir, à la modestie, à l’honnêteté ; & si nous en appliquons les idées à la Peinture, elle étend ses droits non-seulement sur la nature des ouvrages dont s’occupe l’Artiste, sur la place & la personne pour lesquels ils sont destinés, mais encore sur les relations des mœurs mêmes de l’Artiste avec ses occupations.

La bienséance générale, par rapport à la nature des ouvrages de Peinture, exige qu’ils ne blessent pas les mœurs publiques. C’est une relation de l’Art avec la Nature, & de la Nature avec nous.

La bienséance, par rapport à l’Artiste, suppose que sa profession, susceptible d’une considération qu’on lui accorde lorsqu’il s’y distingue, est, par réciprocité, assujettie à des devoirs relatifs aux mœurs publiques qui ne doivent point être blessées, comme je l’ai dit, dans ses productions. L’attention publique que s’acquiert l’Artiste, en exerçant son Art avec la bienséance qui fait partie de ses succès, va jusqu’à souhaiter que ses mœurs n’altèrent point la considération qu’on est disposé à lui accorder. Un principe social dont la verité est démontrée, c’est que les hommes, dont les occupations ou les fonctions fixent les regards de la société où ils vivent, sont tenus d’honorer leur état, par les vertus, & les bienséances qui y ont le plus de rapport.

Mais une prérogative distinctive que les Artistes doivent à la nature de leurs occupations, c’est que les Arts portent ceux qui les exercent à une élévation habituelle & sensible, par les méditations qui leur sont nécessaires, par la solitude, ou du moins la retraite où ils les entraînent & par les idées de perfections dont ils sont obligés de se nourrir sans cesse.

Aussi peut-on présumer qu’une république d’Artistes, n éléveroit pas de monumens aux vices, & à la barbarie, On a droit de croire, par les sentimens dont on voit la plupart d’entr’eux animés, & souvent avec enthousiasme, que ce seroit toujours, de préférence, les actions éclatantes de