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ce que l’on entend par le mot dont il est le sujet. Je dois offrir ici de même quelques mots sur le terme coloris.

Coloris a, dans la langue commune, ainsi que dans le langage des Peintres, un sens moins général que le mot couleur. Assez ordinairement on se sert du mot coloris, pour exprimer certains caractères particuliers de la couleur, des objets, & sur-tout des objets agréables à la vue. Car on dira, le coloris de ces fleurs est admirable : le coloris de la tête de cette nymphe a toute la fraîcheur de la jeunesse, & l’on ne dira guère, le coloris de ce désert, de cette côte aride, de cette mer orageuse : de même, on ne se servira pas du mot coloris, à l’occasion d’une vieille, d’un homme de peine, d’un malade, &c.

Dans le langage plus particulièrement adapté à la peinture, le mot coloris se rapproche, à ce que je crois, plus souvent du mot couleur, dont il est synonyme suivant les circonstances : car on dit également, la couleur & le coloris de tel ou tel Peintre, de tel ou tel tableau. couleur & coloris brillans, vigoureux, agréables, &c. Les verbes colorer & colorier s’emploient assez indifféremment aussi l’un pour l’autre, & les petites nuances que l’on pourroit peut-être désigner dans certains usages de ces verbes, ne sont pas, à ce qu’il me semble, assez décidées pour s’y arrêter. L’une de ces nuances, dont je ferai seulement mention, pour apporter un exemple, se remarque lorsque l’on parle d’estampes, auxquelles des couleurs se trouvent adaptées ; si ces couleurs sont appliquées à l’estampe par le méchanisme de la gravure, ou plutôt de l’impression, en employant plusieurs planches. On se sert assez ordinairement du mot coloré, plutôt que du mot colorié. Ce graveur, dira-t-on, réussit très-bien dans le genre des estampes colorées. Lorsqu’il s’agit d’une estampe, sur laquelle on a appliqué, après coup, des couleurs, ce qu’on appelle vulgairement image enluminée, on dira, cette estampe a été coloriée, ou enluminée, On peut appercevoir aisément, que le mot enluminé convient principalement à ce travail, lorsqu’il est grossier ; & que le mot colorié, s’emploie lorsque l’enluminure a plus de rapport à l’Art. C’est ainsi que le mot image signifie le résultat d’une gravure grossière ; & le mot estampe, l’empreinte d’une gravure faite avec plus d’art.

COLOSSAL. On désigne, par le mot colossal, dans nos Arts, ce qui excède les dimensions des objets naturels.

Les imitations de la peinture & de la sculpture, comportent des dimensions, ou semblables aux objets imités, ou plus petites dans toutes les dégradations possibles, ou plus grandes graduellement jusqu’aux bornes que la nature a assignées aux entreprises de l’homme. Je ne dois parler ici expressément, ni des dimensions semblables à celles des objets naturels, ni des dimensions plus petites. Les dimensions plus grandes, qu’exprime le mot colossal, n’entrent point dans les idées simples de l’Art, regardé comme l’imitation exacte de la nature. On imite infidèlement, pour parler rigoureusement, lorsqu’on ne donne pas, aux objets imités, jusqu’aux dimensions qu’ils ont dans la nature. C’est à des idées accessoires qu’appartiennent les infractions, en plus ou en moins, de l’imitation exacte. Mais, dans ces idées que j’appelle accessoires, il en est qui sont liées de si près à la nature & aux Arts, qu’elles en sont comme inséparables. Il en est d’autres qui, plus accessoires, pour parler ainsi, ne se lient aux principes des Arts, que par d’autres idées intermédiaires.

La réflexion qu’on fait sur la place qu’on assigne à des ouvrages de sculpture, par exemple, est une idée accessoire de l’Art, mais qui lui tient de bien près. Elle doit donc s’y réunir naturellement ; & lorsqu’en réfléchissant, on prévoit que la place où l’on doit poser une statue de grandeur naturelle, est à telle distance, ou à telle élévation, que cet ouvrage de l’Art ne pourra pas être vu, de manière à satisfaire ceux qui le regarderont : l’idée d’en augmenter la dimension, doit se présenter, non comme infraction des loix de l’imitation, mais comme perfectionnement de l’imitation. Ainsi, lorsque l’on destine expressément une statue à être posée dans un lieu vaste, dans lequel elle ne doit être vue que d’assez loin ; lorsqu’on la destine à être placée à une certaine élévation, on ne peut guère manquer de réfléchir que la plupart des formes, & que les traits du visage, par conséquent, que le caractère & l’expression, ne seront point assez apperçus & distingués. Alors il s’établit, comme principe, d’augmenter les dimensions jusqu’au degré nécessaire ; & l’idée du mot colossal, quoique produite d’après des idées accessoire & intermédiaires, s’identifie si naturellement avec l’Art, qu’elle lui devient propre. C’est donc d’après la relation de l’Art, avec le sens auquel ses productions doivent être premièrement offertes, que les altérations de dimensions se trouvent autorisées ; & l’on concevra que c’est pour favoriser, dans certaines circonstances & certains usages, la jouissance des ouvrages des Arts, qu’on se permet d’altérer les dimensions, en plus & en moins ; mais il résulte aussi de ces premiers élémens, que rien n’autorise véritablement, ni les réductions trop petites qui fatiguent les organes, & nuisent, par-là, à leur satisfaction la plus complète, ni les dimensions trop gigantesques. Les entreprises qui tombent dans ces deux excès, n’ont ordinairement pour principes que l’amour-propre personnel, ou bien une sorte d’émulation industrieuse, mal raisonnée du Peintre ou du Sculpteur ; ou bien,