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recours à lui, une opinion trop peu avantageuse de votre talent, & une idée trop favorable du sien. Ne vous exposez pas à la necessité de vous humilier devant un artiste qui peut-être vous, est inférieur.

Sachez enfin vous essayer & vous exercer dans différens arts, pour votre plaisir, & cultivez celui auquel vous vous êtes consacré pour, votre gloire.

OBSERVATIONS
à l’usage de ceux qui ne pratiquent point les
arts, mais qui influent sur leurs travaux.

Ordonnez-vous décidez-vous des travaux de l’espèce dont il est question, soit pour des ouvrages publics, soit pour des embellissemens particuliers ? Vous pensez peut-être que, si les grands genres peuvent ne pas être absolument soumis aux décisions de ceux qui ne connoissent pas à fond, ou qui ne pratiquent pas les arts ; au moins des ornemens, des accessoires, des travaux de décorateur enfin, ne sont point au-dessus de vos connoissances ; vous pensez peut-être même encore que la décision vous en appartient, parce que les gens du monde, les gens de la Cour, sur-tout, ont généralement un goût qu’on nomme naturel, un tact & un discernement qui n’a besoin, selon l’opinion la plus répandue parmi eux, ni d’étude, ni de méditation. J’avoue que ce don peut exister dans quelques individus privilégiés des classes à qui je m’adresse ; mais ceux-là même avoueront à leur tour que si le sort de ce qu’on nomme dans tous les arts, ouvrages d’agrément, étoit absolument abandonné à la discrétion de ce tact & de ce discernement innés, ils tomberoient en peu de tems dans les caractères les plus ridicules & les plus arbitraires. On pourroit même penser, à titre de simple conjecture, que, par une singularité remarquable, ils tomberoient dans des caractères d’autant moins élevés, que ceux qui en décideroient absolument le seroient davantage. D’ailleurs, on auroit tort de regarder les accessoires de pur ornement, comme des objets de peu d’importance. Ils sont peu importans sans doute relativement aux objets qui occupent le premier rang dans l’art : mais tout se tient dans les arts, comme dans les constitutions & dans les mœurs. Il y a une chaîne de principes dont les premiers anneaux sont la raison & les convenances.

Que l’un de vous me fasse comprendre d’une manière claire & satisfaisante pourquoi certain rinceau, certaine frise, certain ornement sont de meilleur goût que d’autres ; qu’il énonce des règles d’après lesquelles je puisse diriger mon jugement dans des circonstances différentes, que je puisse appliquer à d’autres objets, je


reconnoîtrai avec empressement l’existence de ce discernement qui devine juste, sans avoir rien appris ; rien médité, & je n’en serai que plus étonné de rencontrer ces phénomènes.

Si cette rencontre est rare, consultez donc les artistes dans les objets même que vous regardez le plus ordinairement comme de peu d’importance ; j’ajouterai même que, parmi les gens de l’art, il faut savoir choisir les conseillers & les juges : car il en est qui pratiquent sans trop approfondir ; il en est en qui la routine tient lieu de votre tact, & l’une n’est guères plus sûre que l’autre ; il en est encore plus souvent qui vous flattent & vous trompent. (Article de M. Watelet).

DÉCORATION, (subst. fém.). Décoration, au singulier, signifie dans la langue générale tout ce qui a rapport aux ornemens de quelque nature qu’ils soient.

Décorations au pluriel signifie les peintures disposées sur les théâtres pour désigner le lieu de la scène. Je reviens à la premiere de ces deux significations.

L’art de la décoration est partagé en une infinité de branches libérales & méchaniques. Tous les objets qui tiennent leur contexture ou leur forme de l’industrie humaine, non-seulement sont susceptibles de quelque décoration ou ornement, car dans ce sens étendu, ces deux termes ont la même signification, mais même il n’en est peut-être aucun qui n’en reçoive.

Les peuples les plus simples dans leurs mœurs, les plus restreints dans leurs besoins ne tardent guères, s’ils jouissent quelque tems d’une situation calme & heureuse, à décorer les cabanes de leurs chefs, les vêtemens ou certaines parties apparentes de leurs femmes, les armes qu’ils chérissent, parce qu’elles sont nécessaires à leur subsistance ou à leur sûreté, les divinités qu’ils se sont faites, & tout ce qui a rapport à leur culte ; enfin, leurs meubles & leurs ustensiles, dont par l’ascendant de la personnalité, ils tirent une vanité qui est le principe cipe du luxe.

La décoration a donc plusieurs causes.

Il est indispensable aux hommes d’avoir des chefs de quelque nature qu’ils soient, & la distinctions morale qu’ils leur accordent, amène des distinctions physiques propres à les faire reconnoître & à désigner la convention établie à leur égard. Cette distinction ne fût-elle que dans la couleur du vêtement, dans sa dimension plus grande, dans les formes de leur habitation dans quelque chose dont ils sont usage exclusivement aux autres, est une décoration ; & chez les peuples encore simples, on la doit regarder comme équivalente aux décorations les plus précieuses & les plus recherchées qui