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artiste distingué, & si vous en êtes doué, vous trouverez les mains & les secours dont vous aurez besoin, dans un nombre de talens méchaniques, propres à vous aider dans cette partie de la peinture. Il est d’autant plus indifférent que vous ayez operé vous-même ; ou fait opérer sous vos yeux & par vos ordres que les travaux de ce genre s’exécutent sur des dimensions si vastes, que vous ne pouvez suffire seul à les remplir. Servandoni faisoit produire des chefs-d’œuvre d’illusion à des hommes qui ne s’en doutoient pas ; la plupart n’avoient aucune idée, en peignant un chassis sous ses ordres & sous ses yeux, de l’effet général de la machine dont ce chassis faisoit partie. Tel est l’ascendant du génie. (Article de M. Watelet).

On peut ajouter à cet article que le peintre de décorations théâtrales est obligé de réunir plusieurs genres de talens. On a dit qu’il devoit bien connoître la perspective linéale & aërienne, puisque c’est sur-tout par la perspective qu’il peut faire illusion. Souvent obligé de décorer les places & les édifices de statues, il doit bien dessiner la figure ; car il seroit contraire à toutes les convenances d’orner un palais ou une ville de l’ancienne Grèce de statues estropiées. Il faudroit même qu’il fût imiter le goût de l’antique, pour ne pas placer à Athènes des statues mignardes & maniérées. Il doit peindre avec un talent égal l’architecture & le paysage, puisque ce sont des paysages & des bâtimens qui forment les décorations. Une couleur brillante, une bonne entente de clair-obscur, l’art de ménager de belles masses d’ombres & de lumières sont chez lui des qualités nécessaires, puisque son devoir est moins de parler à l’ame que de plaire aux yeux. Sa gloire est de courte durée ainsi que ses œuvres : il faut donc qu’il air les qualités qui décident promptement les suffrages. plutôt que celles qui ne gagnent l’estime qu’après avoir été murement appréciées par la réflexion. (L.)

DÉCORER. Ce terme embrasse de la manière la plus étendue, dans sa signification, tout ce qui appartient aux ornemens, aux embellissemens de toute espèce, qui peuvent se trouver dans les ouvrages des arts relatifs au dessin, tels que la peinture, la sculpture, l’architecture, &c.

On dit décorer une ville, un temple, un palais, un appartement, un vase, un livre, un meuble ; on dit même au figure décorer un homme. Je ne donnerai ici qu’une explication générale, & je me contenterai d’indiquer quelques principes applicables à un grand nombre d’objets.

Pour bien décorer, il faut avoir spécialement égard aux convenances qui embrassent, non-


seulement les relations les plus naturelles des choses entre-elles, mais leurs rapports particuculiers : il est nécessaire d’avoir encore égard, mais d’une manière subordonnée, aux conventions établies, qui embrassent à leur tour ce qu’on appelle les mœurs & les usages.

Plus la manière dont on décore s’accordera avec les convenances & les conventions, plus les choses seront ornées, décorées enfin conformément à la raison & au bon goût.

De ces principes, résulte le soin de se rapprocher toujours de la simplicité, & d’éviter la complication ou la recherche, c’est-à-dire, le manièré ; la simplicité est plus convenable en tout à la raison, parce qu’elle écarte ce qui est superflu, ainsi que ce qui pourroit nuire ou embarrasser dans l’usage qu’on doit faire des choses.

Ces principes n’excluent pas l’élégance ; car l’élégance elle-même exige qu’on n’ajoute pas aux objets qu’on décore ce qui leur seroit inutile, & les chargeroit mal-à-propos. Ces mêmes principes n’ont rien que de favorable aux Graces qu’on représente demi-nues, & qui, relativement aux objets inanimés, consistent dans un choix de ce qui est plus fin & plus délicat dans les formes & dans le trait.

Enfin la simplicité n’exclud pas la variété, car la nature est à la fois simple & variée. Pour indiquer que les conséquences de ces principes s’étendent à peu-près à tout ce qui est susceptible d’être décoré, je dirai à l’occasion du premier objet de l’énumération que j’ai faite en commençant cet article, que plus la décoration d’une ville concourt à la commodité de ses habitans, plus elle approche de la perfection qu’elle peut avoir ; que plus les titres & les marques de distinction, dont on décore un homme, sont accordés sans prodigalité avec une juste convenance au mérite simple, & sans ostentation, plus cet homme est véritablement bien décoré. (Article de M. Watelet).

DÉCOUPÉ. Un objet découpé, une figure découpée, un grouppe découpé sont des manières de parler qui désignent dans un ouvrage de peinture une sécheresse de contours, ou bien une crudité de ton, par l’effet desquelles un objet, une figure, un grouppe se détachent du fond du tableau plus qu’ils ne paroîtroient s’en détacher dans la nature.

Pour bien comprendre ce qui occasionne principalement ce défaut, il est nécessaire de se rappeller ou d’observer que, dans la nature éclairée, les objets se détachent bien à la vérité les uns des autres, ou les uns sur les autres, par les variétés de couleur, par les oppositions de ton, & par celle des lumières & des ombres ; mais que ces manières de se détacher sont toujours adouies & rendues harmonieuses,