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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/352

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dation, ils conservèrent dans la Grèce un misérable asyle, ils le durent à la piété bien plus qu’au goût des Souverains & des sujets du Bas-Empire ; ils furent employés & non pas accueillis ; ils procuroient à ceux qui ne dédaignoient pas de les cultiver, une malheureuse subsistance, sans leur attireraucun applaudissement & tout le succès qu’on en attendît & qu’ils se proposassent, étoit de représenter sans agrément, sans adresse, sans étude, sans connoissance de la nature, les objets de la vénération religieuse. Les tableaux, ou comme on s’exprimoit alors, les images, rustiquement barbouillées, & ornées, ou plutôt couvertes d’or & de pierreries, tiroient leur seul mérite & toute leur valeur des matières précieuses dont elles étoient enrichies.

Ce fut cependant à cette contrée où les arts languissoient dans une telle dégradation, que l’Italie, qui devoit un jour devenir si fière de ses artistes, fut obligée de demander des maîtres. Florence, dès l’an 1240, fit venir de la Grèce des ouvriers en peinture dont toute l’habileté consistoit à établir un trait grossier, & à barbouiller de couleur bien plutôt qu’à peindre l’intérieur de ce contour. Ils favoient faire aussi de mauvaise mosaïque, & ils trouvoient en Italie des admirateurs encore plus ignorans qu’ils ne l’étoient eux-mêmes.

La Peinture languissoit dans cet état d’enfance ou de décrépitude, lorsqu’en 1240 naquit à Florence, d’une famille noble, le Cimabué. Comme il montra, dès ses premières années, beaucoup de vivacité d’esprit, ses parens le destinèrent aux sciences, qui déjà orgueilleuses, étoient cependant plongées dans la même langueur que les arts. Mais il couvroit ses cahiers de gristonemens, & se déroboit à ses études pour aller voir travailler des Grecs qui peignoient une chapelle dans l’église de Sainte Marie-nouvelle.

Devenu l’élève de ces maîtres grossiers, il les surpassa bientôt, & fit luire dans Florence l’aurore des arts. Ce n’étoit qu’une bien foible clarté, mais elle sembloit éclatante, parce qu’on étoit enséveli dans une obscurité profonde. De médiocres artistes rougiroient aujourd’hui de produire des ouvrages semblables à ceux du Cimabué : mais quatre siecles qui l’ont suivi, ont éclairé les successeurs de cet artiste, & il avoit sans doute us grand génie, puisqu’il fut capable d’une création. Si ses foibles ouvrages lui procurèrent une grande gloire, il la méritoit, & ses tableaux, malgré leur foiblesse, étoient alors des prodiges. Quand il eut terminé une Vierge qu’il peignit pour Sainte Marie-nouvelle, le peuple alla prendre avec respect ce tableau dans l’attelier de l’artiste. & le porta au bruit des trompettes jusqu’à l’église où il devoit être placé. Ce sont les applaudissemens qu’on accorde aux arts naissans qui nourrissent leur enfance,


augmentent leur vigueur, & les, amènent à l’âge florissant de leur maturité. L’indifférence publique tue les talens au berceau, & si le Cimabué n’eût pas trouvé des admirateurs, Florence n’auroit peut-être jamais eu Michel-Ange.

Cimabué mourut dans la première année du quatorzième siécle : il peignoit à fresque & en détrempe. Taffi, son contemporain, sans être rival de sa gloire, peignit on mosaïque, & apprit cet art de quelques Grecs qui travailloient à Venise. Le Giotto, jeune villageois que le Cimabué trouva gardant des moutons qu’il s’amusoit à dessiner sur une brique, devint l’élève de ce maître, & fit faire à l’art de nouveaux progrès. Il fut appellé à Rome par le Pape Boniface VIII, & yexécuta la mosaïque qui est sur le portail de Saint Pierre : elle représente Jesus-Christ marchant sur les eaux, & on l’appelle la nave del Giotto. Le nombre des peintres devint en peu de tems si considérable à Florence, que, dès l’année 1350, ils établirent une Confrairie sous la protection de Saint Luc.

Vers ce tems Paolo Uccello fut le premier qui observa exactement la Perspective. Massolino vers le commencement du quinzième siècle, donna plus de grandiosité à ses figures, agença mieux leurs vêtemens, & répandit une sorte de vie & d’expression sur les figures. Il fut surpassé par Massacio, son élève, qui donna le premier de la force, du mouvement, du relief à ses ouvrages, montra dans les attitudes quelque chose qui pouvoit ressembler à de l’aisance & de la grace, & exprima mieux les raccourci que ses prédécesseurs. Long-tems les peintres firent poser les figures sur les orteils, faute de savoir dessiner un pied en raccourci.

Les Florentins continuoient de ne peindre qu’en mosaïque, à fresque & en détrempe. Les ouvrages des deux premiers genres ne pouvoient se transporter & porter la gloire de leurs auteurs, hors de la. Ville où ils avoient travaillé : ceux du dernier genre manquoient d’éclat, ne pouvoient être poussés à un ton vigoureux, se gâtoient aisément à l’humidité, & ne pouvoient se nettoyer. André Castagna fut le premier Florentin qui peignit à l’huile. Nous verrons en parlant de l’école Flamande, que ce genre de peinture avoit été inventé à la fin du quinzième siècle par Jean van Eick, plus connu sous le nom de Jean de Bruges. Un peintre Sicilien, Antoine ou, Antonello de Messine, ayant vu à Naples un tableau de van Eick, alla en Flandres, gagna l’amitié de cet artiste, & obtint qu’il lui découvrît son secret. Lui même le communiqua à son élève Dominique, Vénitien, qui eut le malheur de venir exercer son talent à Florence. André Castagna obtint à force de caresses la confiance de Dominique, le logea chez lui, & le détermina à lui apprendre le secret de peindre à l’huile. Dès qu’il l’eut


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